Une France sans vigne - et sans vin? les professionnels sonnent l'alarme avant d'en arriver là et se mettent en ordre de bataille avec un plan d'action contre le dépérissement des vignobles, qui touche déjà 10% des surfaces, toutes régions confondues.
Ravageurs, oïdium, mildiou, flavescence dorée et maladies du bois de la vigne comme l'esca, un champignon qui étouffe les ceps, toutes ces plaies accablent déjà 80.000 des 800.000 hectares du vignoble français, rappelle Jérôme Despey, président du conseil viticole de FranceAgriMer, l'organisme public qui gère l'agriculture française.
Ce plan d'action axé sur la recherche, qui sera déroulé dans ses détails le 7 avril devant la profession, prévoit un budget de 1,5 million d'euros abondé par les professionnels du CNIV, le Conseil national des vins à appellation (AOC, IGP), vins de référence à l'exportation.
"On attend des pouvoirs publics qu'ils alignent un euro pour chaque euro avancé par la profession, soit un budget total de 3 millions pour la recherche" explique Jérôme Agostini, directeur du CNIV. "On ne comprendrait pas qu'ils fassent moins".
Pour son organisme et pour FranceAgriMer, la lutte contre le dépérissement du vignoble doit être déclarée "priorité nationale" en France. Mais l'Europe aussi doit jouer son rôle dans la mobilisation de la recherche, car le fléau est communautaire et la complexité des phénomènes appelle d'urgence des travaux approfondis, interdisciplinaires et systémiques.
Selon M. Agostini, les programmes de recherche devront commencer en 2017, le temps d'effectuer des appels à projet. D'ici là, l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) et d'autres organismes comme l'Université de Bordeaux doivent définir les principales pistes d'étude, de la pépinière qui fournit les ceps aux vignerons aux pratiques culturales.
A ce jour aucune solution pratique n'a été trouvée pour lutter efficacement et durablement contre les différentes causes du dépérissement des vignes, qu'elles soient dues aux maladies et aux agressions et possiblement accentuées par le climat et les façons de tailler et cultiver les ceps, constatent les professionnels.
"Le bilan des connaissances sur le dépérissement a mis en évidence les lacunes dans la connaissance des phénomènes en jeu" insiste Jérôme Agostini, qui parle de "boucher les trous dans la raquette".
- Cépages de secours -
Jérôme Despey, lui-même viticulteur dans l'Hérault, réclame de son côté l'autorisation de recourir à des plants résistants, déjà testés et éprouvés chez les voisins en Suisse, Allemagne et Italie: "La filière veut les mettre à profit pour aller vite et on demande une procédure accélérée d'autorisation de plantation, si possible dans les six mois".
Selon lui 25 cépages ont été identifiés qui ont déjà fait l'objet d'avis scientifiques éclairés. "On demande à poursuivre des expérimentations de ces cépages à raison de 20 hectares par cépage dans chacun des bassins de production français", explique-t-il.
"Ultérieurement pourra se décider, cépage par cépage, appellation par appellation, s'il est possible ou non de les intégrer dans les cahiers des charges" ajoute Anne Heller, déléguée de la filière.
Une piste qui pour le CNIV de Jérôme Agostini est cependant loin d'être prioritaire.
Mais il y a réellement urgence : selon une étude commandée l'an dernier par le CNIV au BIPE, cabinet d'analyse stratégique qui recommande une remobilisation de la profession, en dix ans 23% des vignes-mères et 34% des producteurs de plants ont disparu.
Le BIPE note simultanément qu'en 40 ans le vignoble français a perdu 37% de sa surface et l'érosion continue au rythme de 0,9% par an sauf en Alsace, Champagne et Bourgogne où les surfaces augmentent.
Dans le même temps, la production a diminué d'un tiers, avec des parts de marché qui fondent sur le marché mondial face à la poussée concurrente du nouveau monde et de l'Espagne.
Mais surtout, du fait du dépérissement des vignobles, en AOP les rendements sont inférieurs de 4,6 hectolitres par hectare aux rendements autorisés : un manque à produire estimé à 2,1 à 3,4 millions d'hl en 2014, qui se traduit par 900 millions à 1 milliard d'euros de manque à gagner. Et bientôt 2 milliards en 2020 si le phénomène n'est pas endigué.