PARIS (Reuters) - Mettre la France au niveau des meilleurs standards internationaux en matière de transparence et de lutte contre la corruption pourrait lui faire gagner 0,2 point de croissance de plus chaque année, a déclaré mercredi Michel Sapin.
Le ministre des Finances, qui détaillait son projet de loi sur la transparence de la vie économique et la lutte contre la corruption, a fait état de l'existence d'un lien entre le niveau d'investissement et l'indice de perception de corruption d'un pays, établie par des travaux académiques internationaux.
Sur cette base, le texte présenté en conseil des ministres "pourrait faire gagner à la France de l'ordre de 0,2 point de croissance à moyen terme", a-t-il dit devant la presse, l'estimation provenant des économistes du Trésor.
Michel Sapin a souligné que la France restait mal notée par les organisations internationales comme l'OCDE non pas pour ses pratiques mais pour l'absence d'arsenal juridique adéquat.
Le texte a pour objectif de mettre fin à une "situation inacceptable", celle où les condamnations des entreprises françaises coupables de corruption internationale ont toutes été prononcées à l'étranger ces dernières années, a-t-il dit.
Il prévoit la création d'une Agence nationale de prévention et de détection de la corruption, dotée d'un pouvoir de sanctions, qui sera chargée de superviser les pratiques des entreprises et leur respect de nouvelles obligations de vigilance en la matière.
Il crée l'infraction de trafic d'influence d'agent public étranger et met fin au monopole du parquet pour les poursuites de faits de corruption, qui pourront être engagées sur des dépôts de plaintes d'organisations non gouvernementales comme Anticor ou Transparency International.
LE PARLEMENT AURA LE DERNIER MOT
Michel Sapin a renoncé à intégrer à son projet la transaction pénale, une procédure qui aurait permis de sanctionner plus rapidement les entreprises coupables de faits de corruption à l'étranger par des amendes sans encourir une condamnation pénale si elles reconnaissent les faits.
Des questions soulevées par le Conseil d'Etat ont motivé le retrait de cette disposition, même s'il a reconnu qu'elle avait fait la preuve de son efficacité à l'étranger.
Le ministre des Finances a réaffirmé qu'il laissait le soin aux parlementaires, qui examineront le texte en procédure accélérée, de remettre le sujet sur la table s'ils le souhaitent.
En attendant, le Medef a regretté l'abandon d'une "disposition qui mettait les entreprises françaises sur un pied d’égalité avec leurs concurrentes étrangères".
Il s'agissait, selon lui, de mettre "fin à un système qui, du fait de sa longueur et de son inefficacité, empêche la résolution des situations litigieuses et exclut durablement les entreprises françaises de certains marchés étrangers, contrairement à leurs concurrentes."
La future agence de lutte contre la corruption pourra aussi défendre les lanceurs d'alerte, les protéger d'éventuelles représailles, voire prendre en charge leurs frais de justice si nécessaires.
Le volet transparence traite également des lobbies, en instituant l'obligation pour tous les "représentants d'intérêt" qui agissent auprès de la puissance publique de s'enregistrer dans un fichier numérique, de déclarer leurs activités et, le cas échéant, les personnes pour qui ils sont intervenus.
Cet outil sera géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
Le projet de loi hérite d'autre part d'une série de mesures prévues dans le texte sur les "nouvelles opportunités économiques" (#Noé) du ministre de l'Economie Emmanuel Macron que l'exécutif a finalement renoncé à présenter séparément.
(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)