par Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - L'échec de François Hollande sur le projet de révision constitutionnelle est un nouveau coup dur pour l'impopulaire chef de l'Etat, désavoué sur un sujet majeur lié à la sécurité des Français, à un an de l'élection présidentielle.
Pour l'Elysée, une seule responsable : l'opposition de droite, qui a rejeté au Sénat le texte prévoyant notamment la déchéance de nationalité pour les personnes coupables de terrorisme parce qu'il créait un risque d'apatridie, que l'Assemblée avait voté à une majorité des trois cinquièmes.
"Je déplore profondément cette attitude", a dit François Hollande. "Chacun pourra juger", a renchéri le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, tandis que le patron des socialistes, Jean-Christophe Cambadélis, dénonçait "un triste spectacle".
L'opposition a eu beau jeu de souligner que le Sénat avait voté la proposition initiale de François Hollande (la déchéance pour les seuls binationaux) et que la gauche s'était violemment déchirée sur cette question, les "frondeurs" du PS faisant cause commune avec les écologistes et le Front de gauche.
Pour les analystes interrogés par Reuters, c'est bien là un échec de plus pour François Hollande, déjà affaibli par son manque de résultats sur le front économique et social, à un an d'un scrutin présidentiel où sa participation est incertaine.
"C'est bien sûr un échec pour le président sur l'une de ses déclarations fortes du Congrès à Versailles du 16 novembre", estime François Miquet-Marty, de l'institut de sondages Viavoice. "C'est d'autant plus déplorable que l'opinion est très attachée à ce sujet et qu'une nette majorité de Français est favorable à cette déchéance de nationalité."
Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop, François Hollande aura du mal à s'en remettre.
"L'argument de l'Elysée peut être recevable mais du point de vue de l'opinion, qui ne sait pas tout des arcanes du débat parlementaire, cela restera comme une annonce solennelle du président qui, quatre mois après, n'a rien donné", analyse-t-il.
"TOUT ÇA POUR ÇA"
L'expression "tout ça pour ça" résume le sentiment général des observateurs et des politiques.
François Miquet-Marty décrit "une occasion ratée politiquement de pouvoir rehausser le débat, surtout après les attentats" du 13 novembre à Paris et Saint-Denis, dont la blessure a été ravivée par ceux du 22 mars à Bruxelles.
"Dès le démarrage, il y a eu des oppositions fortes sur une mesure réservée aux binationaux qui n'a pas été comprise. Puis ça s'est embourbé dans les débats parlementaires et sur des questions juridiques", résume-t-il.
Le Parti socialiste sort exsangue et divisé de cet épisode, finalement stérile, inspiré au départ d'idées de droite ressuscitées par l'émotion créée par les attentats du 13 novembre, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés.
Cet échec s'ajoute aux déceptions et autres reculades d'un quinquennat difficile, encore récemment ébranlé par la colère suscitée par le projet de loi réformant le Code du travail.
Devant les oppositions diverses, le gouvernement a abandonné les mesures considérées comme les plus favorables au patronat pour éviter, selon la ministre du Travail qui porte le texte, Myriam El Khomri, d'avoir à enterrer cette réforme.
"Il y a chez François Hollande une difficulté générale à créer une force de transformation pour le pays", résume François Miquet-Marty. "La loi El Khomri aurait pu fédérer des sensibilités, elle apparaît au contraire comme une source de divisions."
L'IMAGE D'UN PRÉSIDENT INEFFICACE RAVIVÉE
Frédéric Dabi souligne quant à lui le danger de "réactiver l'image d'un quinquennat où les réformes ont traîné, n'ont pas été menées, se sont enlisées, celle d'un président inefficace, qui a la main qui tremble et pâtit d'un déficit d'autorité."
Quelles conséquences pour François Hollande futur candidat à l'élection présidentielle ? A un an de l'échéance, les sondages sont défavorables pour celui qui a fait de la baisse du chômage une condition de son retour dans la course à l'Elysée.
Dans une enquête d'Ipsos-Sopra Steria publiée dans Le Monde de mercredi, le président est plus largement distancé que jamais par les candidats de la droite, qu'il s'agisse du président des Républicains Nicolas Sarkozy, du maire de Bordeaux Alain Juppé ou de la présidente du Front national Marine Le Pen.
"François Hollande est sur un score très faible", confirme François Miquet-Marty. "On a une fragmentation des leaderships à gauche. En intentions de vote et en souhait de candidature pour représenter la gauche, Manuel Valls fait à peine mieux que Hollande. Le Premier ministre ne s'impose pas."
Pour le politologue, la solution de l'équation "tient fondamentalement à la difficulté de recréer une dynamique économique".
Le chômage a bondi à un nouveau record en février, selon les chiffres publiés la semaine dernière, le nombre de demandeurs d'emploi sans aucune activité progressant de plus de 38.000 pour atteindre 3.591.000.
(Edité par Yves Clarisse)