Comment pérenniser l'avenir d'une entreprise quand sonne pour son patron l'heure de la retraite ? Certains font le choix de céder leur société sous forme de coopérative à leurs salariés soucieux de préserver leur emploi tout en dégageant des profits.
Dans le Morbihan, les salariés de Loy et Cie, entreprise de Plouay spécialisée dans l'ossature en bois, et ceux d'Eltic, spécialisée en électricité, à Saint-Avé, ont franchi le pas du statut de "société coopérative de production", communément appelée Scop où la gouvernance et les profits sont partagés équitablement.
Fin 2012, sur les 22 employés de Loy et Cie, 16 rachètent les parts d'André Loy, le patron sur le point de passer la main. M. Loy préfère céder sa société fondée en 1951 à ses salariés qu'il "considère comme ses enfants" afin de préserver "la continuité et le caractère familial" de l'entreprise.
"Le ticket d'entrée était de 500 euros. On avait un désir d'intégrer tous les corps de métiers, charpentier, ébéniste, comptable"..., sans tenir compte du niveau des salaires. A terme, chacun apportera 10.000 euros", détaille Fabien Hosteins, métreur-conducteur de travaux.
"Une certaine émulation" s'est créée, note le nouveau cogérant. Et la transmission en Scop s'est avérée un choix payant. Avant 2011, le chiffre d'affaires de Loy et Cie s'élevait à 2 millions d'euros, avec la Scop il est passé à 4 millions d'euros en 2015.
En raison d'exemples médiatisés comme les usines Fralib, près de Marseille ou SeaFrance à Calais, l'image associée à la Scop est souvent celle d'une faillite.
Or quelque 24% des reprises en Scop correspondent à des transmissions d'entreprises saines, selon les données de 2015 de la Confédération générale des Scop.
"Seules 11% des Scop sont des reprises d'entreprises en difficulté. Historiquement, c'est celles qui font le plus de bruit car il y a un impact sur l'emploi, le territoire", analyse Jérôme Carpinelli, délégué régional des Scop de l'Ouest.
Il a accompagné pendant près d'un an les différentes étapes de transmission aux salariés de la société bretonne d'Eltic. Fin 2016, 10 des 15 employés rachètent les parts de Guylène Lucas, patronne de l'entreprise depuis 15 ans.
- Secrétaire et comptable -
"Avec 5.000 euros d'apport chacun, les dix salariés ont réussi à lever un plan de financement à plus de 400.000 euros auprès des banques", précise Jérôme Carpinelli.
"Les cédants sont des gens très attachés à leur entreprise, et au moment de la cession, ils ont bien évidemment un intérêt lié au prix de vente mais aussi à la continuité de l'entreprise", assure-t-il.
Ainsi, il cite l'exemple d'un patron breton qui a décidé récemment d'entreprendre des démarches pour céder sa société, et "préfère ne pas vendre à un gros groupe". "Il craint qu'on récupère son savoir-faire" avant de "démanteler le projet de toute une vie".
Au sein d'Eltic, les décisions sont désormais partagées. Mais afin de s'investir dans la gestion de l'entreprise, l'innovation, la conquête de nouveaux marchés..., certains salariés ont dû recevoir des formations, en informatique, marketing ou ressources humaines.
C'est le cas de Françoise Rio, la secrétaire, qui s'occupe dorénavant de la comptabilité. "J'ai acquis de nouvelles compétences, avant je me reposais beaucoup sur l'ancienne cheffe", confie cette mère de deux filles qui se réjouit, à 53 ans, de ce nouveau statut de co-patronne qu'elle partage avec ses neuf autres collègues.
"Tout le monde est très motivé, les bénéfices que nous ferons seront le fruit de notre travail, que nous partagerons", affirme Marc Le Houëdec, l'un des cogérants élu par les salariés associés lors d'une assemblée générale prévue dans les statuts de la Scop.
En 2015, les Scop représentaient 47.500 salariés pour un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros, soit une progression de 6% par rapport à 2014, selon le dernier bilan de la Confédération générale des Scop.
Une croissance qui s'associe à une vitalité: leur durée de vie à 5 ans est de 65%, bien supérieure à la moyenne nationale des PME qui s'affiche à 52%.