Les Français, traditionnellement moins portés sur l'or que leurs voisins européens, sont redevenus acheteurs depuis la crise de 2008 et la tendance s'est fortement accélérée en un an, en dépit d'une flambée de son prix depuis onze ans.
Depuis la crise des crédits immobiliers à risque (subprimes) aux Etats-Unis à l'automne 2008, les Français sont devenus acheteurs nets d'or, c'est-à-dire qu'ils achètent davantage qu'ils ne vendent de métal précieux, alors qu'ils étaient auparavant vendeurs nets, a indiqué lundi la société CPoR, premier intervenant sur le marché français de l'or, lors d'une conférence de presse.
La progression de ces achats s'est même accélérée depuis un an.
Sur douze mois à fin septembre, les achats nets des Français ont augmenté d'environ 50% pour atteindre 2 tonnes, ce qui représente selon CPoR une "forte progression" par rapport aux pays voisins (+3% en Allemagne, +7% en Suisse), même si le tonnage reste faible (119 tonnes en Allemagne, 91,9 tonnes en Suisse).
En 2010, les achats français avaient augmenté de seulement 1,5%, après +0,9% en 2009.
La banque en ligne Cortal Consors a vu aussi ses achats d'or sur un an progresser de 40% alors qu'ils étaient auparavant "résiduels", témoigne son directeur du développement commercial, Frédéric Froumenty.
Cette tendance est nouvelle car les Français sont par tradition davantage attirés par l'immobilier, rappelle M. Fromenty.
La crise financière des dettes souveraines en août, qui a conduit le marché de l'or vers des sommets et un record le 6 septembre, avec une once à 1.921 dollars, a pareillement ravivé les achats.
"Cet été, c'était de la folie furieuse, avec des gens qui faisaient la queue dehors à 08H00. Mais depuis la baisse du prix de l'or en septembre c'est beaucoup plus calme", témoigne Karine Boileau, de la société de change manuel Merson. "Dès que le prix de l'or augmente, on a des achats", résume-t-elle.
"J'ai beaucoup d'appels de personnes qui veulent acheter de l'or, notamment des petits lingotins", témoigne encore Philippe Chickli, un ancien bijoutier qui a ouvert en janvier le petit Comptoir d'Or Réaumur.
Outre l'engouement des particuliers, CPoR, qui travaille pour des banques ou des fonds institutionnels, a observé une hausse de la demande des bijoutiers et des industriels notamment dans le secteur des nanotechnologies.
L'or est considéré comme une valeur-refuge par les épargnants quand les marchés d'action faiblissent, c'est un métal "qui ne produit pas de rendement mais qui garde sa valeur à long terme", explique François de Lassus, de CPoR.
"Les gens me disent qu'ils n'ont plus confiance dans les banques et qu'ils ne veulent pas mettre leurs oeufs dans le même panier", rapporte de son côté M. Chickli.
Les Français "ont peur des risques boursiers ou ils ont peur que leur banque fasse faillite" et avec l'or, "ils ont le sentiment de maîtriser eux-mêmes leur capital, qui n'est plus contrôlé par la banque ou le Trésor public", explique Mme Boileau.
Cet or est surtout prisé sous forme de pièces Napoléon ou de lingots (1 kilogramme). CPoR a lancé de son côté des lingotins (de 50 à 500 grammes) qui connaissent beaucoup de succès.
Le premier courtier de la place lancera également vendredi un lingotin d'une once d'or (31,103 grammes), l'unité de poids de référence sur le marché international, siglé par le créateur Jean-Paul Gaultier, dans le but de "renforcer l'identification de l'once auprès des investisseurs français".
Les Français "méconnaissent l'once" d'or, dont l'origine remonte pourtant aux Foires de champagne des 12e et 13e siècles, note le président du directoire de CPoR, Jean-Pierre Djian.