Renouant avec une habitude des présidents français, François Hollande a opéré cette semaine un revirement en faveur d'une franche politique d'austérité six mois après son élection, à la grande satisfaction de l'Union européenne mais pas de sa majorité.
Comme Jacques Chirac en 1995, ou son propre modèle François Mitterrand en 1983 deux ans après sa victoire, François Hollande et son Premier ministre Jean-Marc Ayrault ont clairement pris le tournant de la rigueur avec des hausses d'impôts et des baisse des dépenses.
Pour son premier quinquennat, le président socialiste veut redonner à la France sa "souveraineté" en s'attaquant aux maux endémiques du pays: déficits, croissance molle voire menace de récession, chômage, manque de performance des entreprises.
Salué par l'Union européenne, l'Allemagne, le patronat français et l'agence de notation Standard and Poor's, son "pacte de compétitivité" contredit l'engagement du candidat Hollande de ne pas augmenter la taxe sur la consommation (TVA), principale source de recettes fiscales pour l'Etat (131,88 milliards d'euros en 2011 sur un total de 254,96 milliards, soit 51,72%).
En arrivant au pouvoir, ce même exécutif avait supprimé une précédente hausse de la TVA votée par la majorité de Nicolas Sarkozy.
"Avec Sarkozy, le taux normal passait de 19,6% à 21,2%, au lieu de 20% dans notre dispositif", s'est justifié François Hollande dans des propos rapportés par l'hebdomadaire Marianne.
"Cela dit, s'il y a sur ce point une inflexion, je l'assume. Le recul accéléré de notre potentiel industriel, la faiblesse de la croissance appelaient des mesures énergiques", a ajouté le successeur de Nicolas Sarkozy.
Alors que sa popularité est en chute libre (cote de confiance sous les 40%, perte de 20 points depuis son élection), le chef de l'Etat donnera sa première grande conférence de presse semestrielle mardi: "Parce que les Français sont extrêmement stressés et qu'ils ont besoin d'un interlocuteur direct", déclare-t-il, selon Marianne. "Voyez les Italiens: les mesures de rigueur qu'ils subissent sont infiniment plus lourdes (qu'en France); et pourtant ils ont meilleur moral".
"Une révolution copernicienne"
Le pacte est "une véritable révolution copernicienne pour la gauche", s'est enthousiasmé le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, ex-proche de Dominique Strauss-Kahn, qui y voit la "troisième pierre" à l'édifice de la nouvelle politique socialiste, après le "sérieux budgétaire" et la "relance de la construction européenne".
Dans un pays où, selon les experts, les réticences de la gauche face à l'entreprise sont encore fortes, cette "révolution" tourne un peu la tête à la majorité socialiste et surtout à ses partenaires d'Europe Ecologie - Les Verts (EELV, deux ministres au gouvernement sur 38).
Les écologistes n'apprécient pas la rigueur, et encore moins le fait que la fiscalité écologique soit renvoyée à 2016.
"Nous nous posons la question de savoir ce que nous faisons au sein du gouvernement", a lancé le sénateur EELV Jean-Vincent Placé, suscitant l'émoi de sa formation qui parle de "propos personnels".
Mais même le président Hollande juge "possible" leur départ du gouvernement et de la majorité. "Je ne le souhaite pas. J'ai été élu avec une marge assez faible, 51,6%. Il est vrai qu'Obama lui-même...", ajoute le président dans Marianne.
A l'Assemblée, les socialistes et leurs alliés divers gauche sont majoritaires (314 sièges sur 577) même sans les 17 députés EELV.
Sans ministre au gouvernement, la coalition du Front de gauche (FG) où dominent les communistes s'est déjà désolidarisée entièrement de l'exécutif et sa majorité, provoquant au Sénat à une semaine d'intervalle le rejet de deux textes, en votant contre, avec l'opposition de droite.
Le pacte de compétitivité suscite aussi un malaise parmi les députés socialistes qui "sont tombés de l'arbre" sous le coup de la hausse de la TVA, selon l'un d'eux.
Contrairement à Pierre Moscovici, ils estiment que le coût du travail n'est pas le problème prioritaire en France. Ils demanderont des "contreparties" au pacte de compétitivité lors de son examen au Parlement en janvier 2013, pour "éviter que l'on fasse des chèques cadeaux à des entreprises qui licencient ou qui distribuent l'essentiel de leurs profits en dividendes", selon l'un d'entre eux.