Le gouvernement critique violemment dans un rapport confidentiel l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep), l'accusant d'avoir mis les opérateurs sous "forte pression", et indique réfléchir à limiter ses pouvoirs pour reprendre la main dans plusieurs domaines.
L'Arcep "n'a pas pu, ou pas voulu, développer pour le secteur une véritable stratégie industrielle qui permette aux acteurs français de rester performants et compétitifs face aux enjeux économiques et technologiques actuels", assènent ainsi Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin.
Jean-Marc Ayrault avait demandé l'été dernier aux trois ministres de faire "des propositions de rapprochement entre le CSA et l'Arcep".
Ce rapport lui a été remis en décembre, mais n'a jamais été rendu public. De premiers extraits ont été diffusés ce vendredi par BFM Business, et l'AFP s'est également procuré le document de 50 pages.
"Les citations du rapport Arcep/CSA publiées par la presse viennent d'une version de travail des services et n'ont aucun caractère officiel", a réagi Fleur Pellerin dans une déclaration à l'AFP.
"C'est un rapport de réflexion qui a été remis au Premier ministre, et c'est au Premier ministre de rendre des conclusions", avait auparavant fait valoir le cabinet de la ministre de l’Économie numérique.
"Les rééquilibrages de compétences (évoqués) sont à la marge et n'ont pas vocation à remettre en cause le noyau dur de l'Arcep, soit la régulation des réseaux. Ses compétences sont d'ailleurs issues des directives européennes", a-t-il souligné.
Le rapport obtenu par l'AFP "ne propose pas une fusion de l'Arcep et du CSA" mais préconise la création d'une "instance commune aux deux autorités".
Cependant, les ministres estiment que l'Arcep "n'apparaît ni suffisamment armé ni réellement déterminé à arrêter une politique publique efficace", face à "de forts besoins d'investissement, à la veille du déploiement des réseaux de nouvelle génération (fibre optique et 4G) et en vue de traiter des enjeux de relations complexes avec des opérateurs internet souvent localisés hors de France".
Intérêt des consommateurs ou compétitivité
Les trois ministres accusent notamment le régulateur d'avoir "favorisé, d'abord sur internet puis plus récemment dans le mobile, l'apparition de modèles à bas prix" - une référence à peine voilée à Free - et d'avoir "mis sous forte pression l'ensemble des opérateurs et contribué à diminuer leurs capacités d'investissement".
Le fait de "privilégier de manière constante l'intérêt des consommateurs" met également "au second plan certains des objectifs assignés par la loi à l'Arcep - notamment l'emploi, l'investissement efficace, l'innovation et la compétitivité du secteur", poursuit le rapport.
Les trois ministres estiment ainsi que "la question peut donc se poser d'un certain rééquilibrage de compétences avec le gouvernement, que de nombreux acteurs auditionnés ont appelé de leurs vœux".
S'ils affirment qu'il serait "bien entendu inopportun de revenir sur des compétences que la loi a dévolues à l'Arcep", ils listent plusieurs "domaines" où la question d'un partage des compétences "pourrait être aujourd'hui posée".
Concernant la protection du consommateur, "il apparaît préférable de privilégier une approche non spécifiquement sectorielle de ces questions. L'Arcep pourrait ainsi se limiter à un rôle de recommandation ou d'avis lorsque la technicité des questions soulevées le justifierait".
Lors de l'attribution d'autorisations, de fréquences mobiles par exemple, les ministres regrettent également le fait que l'Arcep "dispose aujourd'hui d'un droit exclusif d'initiative".
Contactée par l'AFP, l'Arcep s'est refusée à tout commentaire.