L'achat par le groupe internet américain AOL d'Adap.tv, une société spécialisée dans la publicité vidéo en ligne, illustre les énormes espoirs suscités par ce marché potentiellement juteux.
Selon les détails de la transaction annoncée mercredi, AOL va payer 405 millions de dollars, en numéraire et en actions, pour Adap.tv. C'est sa première acquisition depuis deux ans et la plus importante depuis qu'il a repris son indépendance du groupe de médias Time Warner fin 2009. L'opération devrait être bouclée fin août ou début septembre.
Basée en Californie, Adap.tv est selon AOL une des plateformes publicitaires en ligne à la plus forte croissance. Son chiffre d'affaires a plus que doublé sur chacune des trois dernières années. Rien qu'en 2012, elle avait promu plus de 26.000 campagnes sur 9.500 sites internet.
Tim Armstrong, le PDG d'AOL, a souligné que deux grandes tendances se dessinaient actuellement, une mutation de la télévision traditionnelle vers la vidéo en ligne et le développement de mécanismes automatisés de placement de publicité. "Adap.tv est bien positionnée face aux grandes opportunités que ces tendances offrent", a-t-il jugé.
Sur le seul marché américain, les dépenses en publicité vidéo sur internet ont atteint 2,89 milliards de dollars l'an dernier et devraient bondir de 41,4% à 4,09 milliards de dollars cette année, évalue la société spécialisée eMarketer. Elles devraient même dépasser 10 milliards en 2016, estime pour sa part la banque Jefferies dans une étude approfondie publiée mercredi.
AOL n'est pas le seul à vouloir en profiter. Le géant d'internet et de la publicité Google est déjà bien positionné avec sa filiale YouTube. Les spéculations courent ainsi depuis des mois sur des préparatifs du réseau social en ligne Facebook en vue d'intégrer des vidéos publicitaires au fil d'actualité de ses membres. Les premières pourraient apparaître pour les utilisateurs américains avant la fin de l'année, une perspective qui enthousiasme beaucoup d'analystes et n'est pas pour rien dans le récent rebond du titre en Bourse.
Concurrence pour la publicité télévisée ?
La banque Morgan Stanley a estimé mercredi que ces publicités vidéo pourraient représenter 10% des recettes publicitaires du réseau social dès l'année prochaine, et doper son chiffre d'affaires et ses bénéfices globaux de 10% à 15% d'ici un ou deux ans. Une fois étendues au reste du monde, elles pourrait générer 3,5 milliards de dollars de revenus pour Facebook en 2017, soit 1% du budget publicitaire télévisé mondial.
"L'audience de Facebook parmi les consommateurs américains sur la tranche d'âge très courtisée des 18-34 ans est comparable ou plus élevée que la télévision, permettant à Facebook de commencer à faire directement concurrence aux budgets publicitaires télévisés", commentent les experts de la banque dans une note.
"La vidéo en ligne est l'un des marchés publicitaires à la croissance la plus rapide, avec un grand potentiel" si on considère le marché "encore à bouleverser" de 60 milliards de dollars par an représenté par la publicité télévisée aux seuls Etats-Unis, reconnaît Jefferies.
Dans son étude, elle souligne que les spots publicitaires en ligne permettent de combiner l'image, le son et le mouvement de la télévision, avec les avantages apportés par internet quand il s'agit de sélectionner qui voit un spot publicitaire et à quelle fréquence, ou de mesurer qui clique sur le contenu.
Jefferies souligne toutefois les difficultés liées à l'évolution encore en cours du marché, et à sa complexité. Les acteurs présents ou en puissance sont nombreux, venus du monde de la publicité, d'internet ou des médias. La multiplicité des supports possibles (smartphones, tablettes, télévision connectée, automobile...), si elle crée davantage d'opportunités de croissance, contribue aussi à compliquer la donne.
En outre, "les publicitaires doivent tenir compte de la résistance des consommateurs face aux publicités vidéo en ligne", plus importante que face aux publicités télévisées mais qui devrait s'atténuer quand ces spots se généraliseront, relève la banque. En attendant, la croissance de la publicité vidéo en ligne devrait selon elle surtout se faire, au moins dans les trois ou quatre prochaines années, au détriment des supports imprimés.