Alors que les Français commencent à recevoir leurs feuilles d'impôt, des voix au gouvernement se sont inquiétées d'une montée des mécontentements sur le niveau de l'impôt, ce dont s'est aussitôt saisi la droite, pour en faire un argument électoral.
Une remarque mercredi sur France Inter de Pierre Moscovici en dit long sur l'inquiétude qui percerait au gouvernement. "Je suis très sensible à ce ras-le-bol fiscal que je ressens de la part de nos concitoyens, qu'ils soient des ménages, des consommateurs ou qu'ils soient des entreprises. Et ça, nous l'écoutons", a affirmé le ministre de l'Economie.
Les Français attendent actuellement leur "troisième tiers", qui intègre, pour la première fois, les premières mesures fiscales gouvernement. Parmi ces mesures figurent le gel du barême décidé par l'ancien Premier ministre François Fillon, puis prolongé par son successeur Jean-Marc Ayrault, ainsi que le plafonnement de certaines niches fiscales.
Résultat: tout le monde, et pas seulement les plus riches, verra ses impôts augmenter d'au moins 2 % cette année, sauf les deux première tranches.
Le "ras-le-bol" des Français pourrait encore monter d'un cran début 2014, avec la hausse attendue de la TVA qui passera à 20% le 1er janvier 2014 (avec toutefois, en parallèle, la baisse de 5,5% à 5% du taux réduit de TVA pour les produits de première nécessité, énergie et alimentation). Sans oublier les impôts locaux, susceptibles eux aussi de gonfler.
Alors que le chômage persiste à monter - François Hollande promet d'en inverser la courbe d'ici à la fin de l'année, ce à quoi plus de huit Français sur dix ne croient pas, selon un récent sondage - certains socialistes commencent à tirer la sonnette d'alarme.
Outre M. Moscovici, qui a de nouveau promis mardi une "décélération" des prélèvements obligatoires, prélude à leur "stabilisation" en 2015, un autre poids lourd gouvernement, Laurent Fabius (Affaires étrangères), a lancé une mise en garde. En matière de fiscalité, "il faut faire attention à un niveau au-delà duquel on ne doit pas monter (...) Il faut être très très prudent, parce que sinon, ça se retourne", a prévenu l'ancien ministre de l'Economie de l'ère Jospin, qui prônait déjà en 2001, une politique d'allègement des impôts, au grand dam de la gauche du PS.
"Triple lame"
Dans la même veine, un autre socialiste, Julien Dray, vice-président de la région Ile-de-France, a évoqué jeudi "un point limite" de l'impôt au-delà duquel "le système fiscal donne le sentiment que ceux qui travaillent et investissent ne le font plus que pour payer des impôts".
Le député PS Thierry Mandon a souhaité de son côté une révision de la fiscalisation des heures supplémentaires, pour endiguer les "effets pervers" de la réforme socialiste, qui avait abrogé une des mesures phare du quinquennat Sarkozy.
"Ce serait une faute de passer la triple lame +cotisations-taxes-impôts", a également mis en garde Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, dimanche à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse.
"Les Français ne sont pas contre le principe de l'impôt, ce qu'ils veulent, c'est que cela serve à quelque chose. Mais la pression est aujourd'hui trop importante, c'est une des raisons pour lesquelles ils ne font pas confiance à Hollande", analyse Jean-Daniel Lévy (Harris Interactive).
Toutefois, "si 2025 est bien vendu, si le gouvernement sait expliquer que les efforts consentis aujourd'hui ne sont pas de dépenses inutiles mais un investissement pour l'avenir, alors l'impôt sera à nouveau rattaché à une mesure de justice", ajoute le politologue.
Au gouvernement, on semble avoir perçu le danger. Le choix initial a été de "faire plus de prélèvements obligatoires" mais "il y aura un deuxième temps où l'on fera plus de réduction de dépenses et où l'on arrêtera de prélever", assure une source gouvernementale.
A quelques mois des élections municipales, la droite, autant menacée que le PS par un Front national en progression continue, martèle sa différence. L'UMP devra "assumer une baisse massive des impôts" à son retour au pouvoir, a affirmé son président Jean-François Copé. Laurent Wauquiez, vice-président, a proposé à son parti "un pacte" municipal: pas de hausse d'impôts dans les communes dirigées par la droite.