par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Les organisations patronales ont lâché un peu de lest vendredi à l'ouverture des négociations sur le financement des retraites complémentaires des salariés du privé pour tenter de sortir ces discussions de l'impasse où elles menacent de s'enliser.
Le Medef maintient sa volonté d'inciter les salariés à retarder leur départ à la retraite pour rééquilibrer les comptes des caisses Agirc et Arrco, dont les réserves menacent de s'épuiser dans les prochaines années si rien n'est fait.
Mais le mécanisme de bonus-malus qu'il a mis sur la table vendredi matin est en apparence moins pénalisant que celui qu'il proposait ces dernières semaines en discussions bilatérales.
"Au lieu d'avoir un système uniquement et fortement basé sur l'âge, nous avons proposé un système basé sur l'ensemble des conditions du régime général, c'est-à-dire à la fois l'âge et la durée de cotisation", a expliqué à la presse un membre de la délégation patronale.
A partir de 2019 et de la génération 1957, les salariés remplissant les conditions de départ à la retraite du régime général, c'est-à-dire 62 ans et 41,5 années de cotisation, se verraient ainsi appliquer, en cas d'arrêt immédiat de leur activité, un malus provisoire sur leur pension complémentaire.
Cette décote serait de 15% la première année, 12% la deuxième et 10% la troisième, au lieu de 25% à 62 ans et 15% à 64 ans dans une précédente version.
Si ces salariés acceptaient de travailler un an de plus ou justifiaient de quatre trimestres de cotisation supplémentaires, ils seraient exonérés de malus. Ils bénéficieraient d'un bonus de 10% pour deux ans de plus en activité ou huit trimestres supplémentaires de cotisation, de 20% pour trois années (ou 12 trimestres) et de 30% pour quatre années (ou 16 trimestres).
Les futurs retraités exonérés de Contribution sociale généralisée (CSG) ou assujettis à la CSG réduite, soit environ 29% des salariés, seraient exonérés de malus.
Dans la version précédente du système de bonus-malus proposé par le Medef, la décote s'annulait à 64 ans et la surcote était, sur une année, de 15% pour un départ à 65 ans et 25% à 66 ans.
SYNDICATS DUBITATIFS
En échange d'un éventuel accord avec les syndicats, les organisations patronales acceptent de leur côté d'envisager une légère augmentation des cotisations employeurs, qui pourrait rapporter plusieurs centaines de millions d'euros.
Cette augmentation serait cependant compensée à hauteur de près de 70% par une baisse des cotisations patronales à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP) de la Sécurité sociale, censée être en excédent structurel à compter de 2017, précise la délégation du Medef.
Parmi d'autres propositions, dont certaines à court terme, comme une moindre revalorisation des pensions pendant trois ans, l'organisation patronale maintient par ailleurs l'idée d'une fusion des caisses de retraites complémentaires des salariés, l'Agirc (le régime des cadres) et l'Arrco.
Mais il propose en échange des négociations nationales interprofessionnelles et dans les branches sur le statut de l'encadrement, ce que demandent les syndicats CFE-CGC et CFDT.
"On est encore assez loin du compte mais ça commence à bouger", a estimé le négociateur de la CFDT Jean-Louis Malys lors d'une suspension de séance.
La négociatrice de la CFTC, Pascale Coton, qui était prête à son arrivée au siège du Medef à envisager un abattement de 10% pendant deux ans pour les retraités cessant leur activité dès les conditions minimum légales remplies, a également fait état d'une avancée, mais "pas suffisamment significative".
Son homologue de la CGT, Eric Aubin, a de nouveau dénoncé la logique même des propositions patronales visant à repousser l'âge effectif de départ à la retraite.
Il a notamment estimé que le système de bonus-malus proposé par le Medef, la CGPME et l'Union professionnelle artisanale (UPA) pénalisait particulièrement les femmes et les chômeurs et il a jugé insuffisante l'augmentation de cotisation envisagée.
"On voit que le patronat essaye de bouger quelque peu mais les effets sont exactement les mêmes", a-t-il déclaré.
(Edité par Yves Clarisse)