Manuel Valls, en visite éclair vendredi au Danemark champion de la "flexisécurité", a réitéré ses appels à réformer le marché du travail en France, tout en défendant ses choix budgétaires après le délai accordé par Bruxelles à Paris.
Le budget de la France, avec un déficit de 4,4% et 4,3% prévus en 2014 et en 2015, constitue "le meilleur équilibre qui permet de concilier le sérieux budgétaire et le soutien à l'activité", a affirmé le Premier ministre français à Copenhague, lors d'une conférence de presse commune avec son homologue danoise Helle Thorning-Schmidt.
Manuel Valls réagissait à la décision de la Commission européenne de donner à la France (ainsi qu'à l'Italie et la Belgique) quatre mois supplémentaires pour améliorer ses finances publiques, avant que Bruxelles ne rende son verdict.
Un réexamen "que je ne crains pas", a dit devant les journalistes le Premier ministre, qui en a profité pour appeler l'Union européenne à "aller plus loin" que le plan Juncker de 300 milliards d'euros d'investissements et à mettre fin "à la logique punitive" de certains faucons budgétaires.
La Commission a, à l'occasion de son avis, publié la lettre que Manuel Valls avait envoyé la semaine dernière à son président Jean-Claude Juncker.
Il n'y apparaît pas de nouveaux engagements précis, même si sont évoqués de possibles "éléments complémentaires" de réforme du marché du travail en sus de celles déjà engagnées, "en fonction des résultats des négociations avec les partenaires sociaux".
Depuis le Danemark, Manuel Valls est revenu à plusieurs reprises sur une possible réforme de la durée et des montants d'indemnisation du chômage, qui avait suscité une levée de boucliers syndicale en septembre.
Le Premier ministre a dit au journal danois Politiken tout le bien qu'il pensait de la politique danoise en matière d'emploi, "une expérience extrêmement intéressante" et confortant son souhait de "réformer l'État-providence".
Il a loué la "flexisécurité" danoise, système mêlant faibles indemnités de licenciement et contrôle strict des demandeurs d'emploi. La générosité de l'assurance-chômage (environ 90% du salaire, avec des plafonds) et des formations pour les chômeurs sont vues comme des ingrédients du succès du Danemark, où le chômage n'est que de 5%.
Manuel Valls apportait dans ses bagages un nouveau record: 3,46 millions de demandeurs d'emploi en métropole en octobre.
- Sources d'inspiration nordiques -
Le "problème de compétitivité" français de la dernière décennie vient notamment du fait que "nous n'avons pas fait les réformes nécessaires de notre marché du travail", a insisté le chef de gouvernement lors d'un petit-déjeuner avec des dirigeants économiques et culturels danois.
Les pays nordiques, avec leurs modèles mêlant protection sociale forte et libéralisme économique, sont "des sources d'inspiration", a également dit le Premier ministre. Des mots qu'il n'avait pas employés pour l'Allemagne ou le Royaume-Uni.
Ce déplacement était le septième en Europe du Premier ministre en huit mois à Matignon, après l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Autriche.
Cette tournée dans l'UE doit convaincre les partenaires européens de la détermination de la France à se réformer, malgré la décision de Paris de reporter de 2015 à 2017 son objectif de réduction à 3% du PIB du déficit public.
Helle Thorning-Schmidt, à la tête d'un gouvernement vu comme un bon élève de la discipline budgétaire, a exprimé son soutien à la ligne française, selon l'entourage du Premier ministre.
"Ce que je constate dans le cadre de mes déplacements en Europe, c'est que le regard en France est en train de changer", a assuré M. Valls.
Les deux chefs de gouvernement, qui avaient déjà dîné ensemble jeudi soir, ont également évoqué les problèmes de leurs nationaux engagés dans le jihadisme. Comme la France, le Danemark est surreprésenté dans les groupes agissant en Syrie et en Irak.
Le Premier ministre, attendu dans l'après-midi à Paris pour clore la conférence environnementale, a terminé sa visite à la mi-journée avec un passage express dans un lycée "tout numérique" à Oerestad, où tablettes et ordinateurs ont entièrement remplacé papier et crayon. La France, à l'initiative de François Hollande, doit lancer une grande consultation sur le numérique à l'école en janvier.