Malgré la crise qui frappe son pays d'origine, l'Espagne, le très discret Amancio Ortega a bondi jusqu'à la troisième place du classement annuel 2013 des plus grandes fortunes du magazine américain Forbes grâce à sa marque de vêtements Zara et son empire du textile, Inditex.
Les images du fondateur et premier actionnaire d'Inditex, numéro un mondial du textile, sont rares. Crane dégarni, sourire timide, ce fils de cheminot originaire de Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, fuit la presse.
Une discrétion qui tranche avec la fortune recensée par Forbes lundi: 57 milliards de dollars (plus de 43 milliards d'euros), soit 19,5 milliards de plus que lors du précédent classement.
Le Galicien de 76 ans passe ainsi de la cinquième à la troisième place, devant l'homme d'affaires et philanthrope américain Warren Buffett, 4e avec 53,5 milliards.
Un nouveau couronnement pour le parcours atypique d'un homme qui a quitté l'école dès 13 ans pour travailler comme vendeur dans un magasin de chemises.
Depuis l'ouverture de la première boutique Zara, en 1975 à La Corogne, Ortega a créé un véritable empire de la mode à petit prix, Inditex (Industria de diseño textil), avec comme autres marques Massimo Dutti, Oysho, Bershka...
En 2011, le groupe espagnol, déjà numéro un mondial du textile en chiffre d'affaires, a dégagé le meilleur bénéfice du secteur, doublant son rival suédois H&M. Sur les neuf premiers mois de 2012, son bénéfice net a grimpé de 27%, à 1,65 milliard d'euros. Et ce malgré la profonde crise que traverse l'Espagne, enfoncée dans la récession depuis fin 2011 et frappée par un taux de chômage record de 26,02%.
Expansion internationale
Les raisons du succès ? "Il a changé totalement les rythmes de la mode", expliquait Covadonga O'Shea, seule journaliste qui a réussi à l'approcher et a écrit sa biographie: une fois qu'un vêtement est créé, "il arrive en boutique en deux semaines en Europe, trois quand c'est plus éloigné".
Et son expansion internationale lui permet de compenser les difficultés rencontrées en Espagne: le groupe comptait ainsi 5.887 boutiques dans 86 pays fin septembre.
"Toutes les entreprises (espagnoles) qui parient sur l'expansion internationale souffrent beaucoup moins de la crise et Inditex est à mes yeux celle qui a le plus parié sur l'international", souligne Juan Ramis, professeur à l'école de commerce Esade.
Près de quarante ans après l'ouverture de sa première boutique, Amancio Ortega avait cédé en juillet 2011 les rênes de son empire à son numéro deux Pablo Isla, 49 ans.
Il n'est cependant pas parti à la retraite pour autant: son fondateur garde un poste au conseil d'administration et reste le premier actionnaire d'Inditex, avec une part de 59,3%. Soit un très juteux paquet d'actions puisque le titre Inditex a affiché une progression record de près de 62% en 2012. Il valait 104 euros lundi.
Son implication dans la gestion quotidienne d'Inditex est un facteur décisif, selon Juan Ramis, car elle lui permet de prendre de meilleures décisions "que d'autres, qui sont plus éloignés, dans leurs bureaux".
Plus tard, c'est la propre fille d'Amancio Ortega, Marta, 29 ans, qui pourrait prendre la tête de l'empire familial, où elle travaille déjà: "il la prépare très sérieusement pour prendre des postes importants", assurait Covadonga O'Shea.
Marié deux fois et père de trois enfants, Amancio Ortega n'accorde jamais d'interviews.
"Je veux que dans la rue, seuls puissent me reconnaître ma famille, mes amis et les gens avec qui je travaille", confiait-il à Covadonga O'Shea.
Cette réserve, il l'a transmise à sa marque emblématique, Zara, qui ne fait jamais de publicité sauf en période de soldes. Une stratégie, désormais étudiée dans les écoles de commerce, qui semble payante au regard des résultats du groupe et de la fortune de son fondateur.