Boris Berezovski a été débouté très sèchement vendredi à Londres dans son procès choc contre Roman Abramovitch, le premier de ces oligarques russes réclamant au second plus de cinq milliards de dollars (4 milliards d'euros) de compensations en lien avec leurs affaires passées.
A l'issue du procès qui s'est déroulé du 3 octobre au 20 janvier derniers, la juge Elizabeth Gloster devait trancher, comme elle l'a souligné, parole contre parole, plutôt que sur des preuves tangibles. Elle n'a pas fait dans la nuance pour rejeter, "dans leur totalité", les prétentions de M. Berezovski.
Selon elle, il s'est montré "fondamentalement peu fiable", "regardant la vérité comme un concept éphémère et flexible, qui pouvait être façonnée en fonction du but recherché". Elle a paru choquée en particulier que M. Berezovski mente en prétendant que ses témoins ne gagneraient pas d'argent s'il remportait le procès.
"Un contraste frappant", a-t-elle noté avec les réponses "prudentes et réfléchies" de M. Abramovitch, témoin "honnête et digne de confiance", qui s'est montré "franc" en admettant par exemple que certains documents avaient pu être antidatés.
M. Berezovski, aujourd'hui opposant déclaré au Kremlin et exilé à Londres, accusait son ancien associé et ami, propriétaire notamment du club de football de Chelsea, vainqueur de la Ligue des Champions cette année, de l'avoir contraint, par des "menaces" et des "intimidations", à vendre en 2001 sa part dans le groupe pétrolier russe Sibneft pour 1,3 milliard de dollars. Une fraction selon lui de sa véritable valeur.
Les deux hommes avaient entretenu d'excellentes relations avec le pouvoir, au temps du président russe Boris Eltsine dans les années 1990. Mais M. Berezovski est tombé en disgrâce sous Vladimir Poutine, contrairement à M. Abramovitch, 68e fortune mondiale avec 12,1 milliards de dollars.
Celui-ci, ne s'exprimant lors du procès qu'en russe contrairement au plaignant, a affirmé que M. Berezovski n'avait en fait jamais possédé de part dans Sibneft et que la somme de 1,3 milliard de dollars qui lui avait été versée l'avait été en "reconnaissance de son aide politique et de sa protection" lors de la création de l'entreprise, revendue à Gazprom en 2005 pour 13,1 milliards de dollars.
M. Berezovski, 66 ans, réclamait 5 milliards de dollars au titre de Sibneft, et encore 564 millions de dollars dans un dossier concernant cette fois leurs relations passées dans le cadre du géant de l'aluminium RusAl.
Il s'est dit "ébahi" par le jugement, ne mâchant pas plus ses mots que la juge Gloster.
Elle a, selon lui, "réécrit l'histoire russe", et la lecture du jugement a donné "à certains moments" à M. Berezovski "l'impression que Poutine lui-même l'avait écrit". Il n'a pas encore décidé s'il ferait appel, après ce procès d'un coût jugé déjà pharamineux par les commentateurs, de quelque 130 millions d'euros.
Le bureau du président Poutine, cité par l'agence Interfax, a réagi au jugement en estimant que c'était "toujours agréable quand une calomnie est appelée par son nom".
Dans un communiqué, M. Abramovitch s'est dit de son côté "satisfait et reconnaissant du jugement" rendu.
Le procès avait été haut en couleur avec les deux milliardaires, entourés d'avocats britanniques éminents, arrivant à l'audience avec leurs gardes du corps respectifs. Il avait permis de mettre en lumière le train de vie luxueux des deux hommes, entre rencontres secrètes, yachts imposants et conquêtes féminines nombreuses.
Il avait dévoilé également les moeurs commerciales dignes du Far West qui avaient régné après l'effondrement de l'URSS, lorsque les principaux actifs industriels du pays avaient été démantelés et vendus à des hommes d'affaires pour des sommes modiques.