François Hollande, qui a lancé un message clair à Bruxelles en refusant que la France sacrifie la croissance à la réduction de ses déficits, s'engouffre dans une brèche ouverte par l'Italie, mais sans grande marge de manoeuvre.
Le gouvernement de Manuel Valls "aura aussi à convaincre l'Europe que cette contribution de la France à la compétitivité, à la croissance, doit être prise en compte dans le respect de nos engagements", a dit M. Hollande lundi.
Le président, renouant avec les accents du candidat Hollande qui se posait en champion de la relance face aux tenants de l'austérité, a ajouté: "Ma conviction est faite: renforcer l'économie française c'est la meilleure façon de réorienter l'Europe".
Quelques heures après la publication de chiffres du déficit public plus mauvais que prévu pour 2013, le message envoyé à la Commission européenne, gardienne de la discipline budgétaire, est clair: la France ne risquera pas de replonger dans la récession pour respecter le Pacte de stabilité européen.
Celui-ci, liant tous les États membres de la zone euro, demande un déficit public ne dépassant pas 3% du Produit intérieur brut. En France, il était à 4,3% l'an dernier. Et si Paris avait promis au départ d'être sous 3% en 2013, puis en 2015, cela fait longtemps que plus un ministre n'avance de date.
- "Pacte de stupidité" -
Le président français profite de l'appel d'air créé par le nouveau chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, qui moque le "pacte de stupidité" européen et veut sortir l'Italie de l'austérité.
M. Renzi juge que Paris et Rome "doivent changer l'Europe ensemble", face à une Allemagne qui dégage déjà un excédent public. Berlin se voit reprocher, au niveau européen et depuis peu national, d'en faire trop dans la chasse aux déficits et de négliger investissements et redistribution.
"Faire comme Renzi", qui entre autres veut diminuer de 10 milliards d'euros les impôts des plus modestes, "c'est la bonne solution. Il faut (...) renoncer à ces objectifs pour 2015 qui mettraient à genoux l'économie française", plaide aussi Xavier Timbeau, de l'OFCE, organisme de recherche classé à gauche.
"On peut accepter le diagnostic de la nécessité des réformes structurelles mais il faut s'en emparer, pas se les laisser imposer de l'extérieur. Il y a une possibilité de faire ce renversement de cap simultanément en Espagne, en Italie donc, pourquoi pas au Portugal ou en Grèce, en Irlande, aux Pays-Bas", se prend-il à rêver.
La France et l'Italie ont des points communs, un chômage élevé, et même record en Italie où il atteint 13%, mais aussi les premiers signes d'un redémarrage, avec un sursaut notamment de l'activité industrielle française. Paris affiche par ailleurs une dette publique lourde, de 93,5% du PIB, mais loin du niveau italien (plus de 130%), et emprunte à des taux beaucoup plus bas (environ 2% à 10 ans, contre environ 3,3% pour l'Italie).
- Moins de latitude que Rome -
Mais la France a toutefois moins de marge de manoeuvre que Rome. L'Italie, bien que surveillée de près pour sa dette, n'est pas loin de respecter le seuil des 3% pour son déficit. Par ailleurs, grâce à son tissu de PME industrielles dynamiques, elle affiche une balance commerciale excédentaire.
Ludovic Subran, économiste de l'assureur Euler Hermes, est prudent face à cette "renzimania" qui pointe: "l'Italie est dans une grande instabilité institutionnelle", et Matteo Renzi, qui a pris le pouvoir par le jeu des coalitions, "doit donner aussi des signaux pour cimenter une majorité", rappelle-t-il.
Lui juge que, quitte à l'assouplir, "il est bon (pour la France) d'avoir une trajectoire" de réduction du déficit, ne serait-ce que pour "garder une capacité de négociation à Bruxelles" sans pour autant provoquer un choc trop important sur l'activité.
"Passer le déficit sous 4% des PIB cette année, avoir un 3 devant la virgule ce serait déjà bien", juge-t-il.
La France doit rendre mi-avril à Bruxelles sa copie budgétaire pour les trois prochaines années.