Le président du Medef, Pierre Gattaz, a appelé lundi à supprimer l'impôt sur la fortune (ISF), qui selon lui freine la croissance des entreprises en France, une position qualifiée de "provocation" par le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, qui l'a tancé depuis Londres.
"Si on est le dernier pays d'Europe ou du monde à avoir l'ISF, il faut le supprimer", a lancé Pierre Gattaz lundi au cours de la Conférence annuelle des entrepreneurs, organisée au ministère de l'Economie et des Finances à Paris.
"Il y a un moment, il faut dire +l'ISF c'est dramatique pour le pays, ça détruit de l'emploi, ça détruit de la croissance+. Il faut le supprimer, point", a-t-il insisté sous les applaudissements.
En visite à Londres, le ministre de l'Economie a fustigé un peu plus tard ces propos devant la presse française, estimant que M. Gattaz a failli à "son rôle" de responsable supposé "accomplir sa part du pacte de responsabilité". "Il ne l'a pas fait aujourd'hui", a dit le ministre.
"Lorsqu'on est responsable syndical ou responsable politique, on est avant tout responsable, (...) on ne peut pas dire à n'importe quelle seconde de la journée tout ce qu'on pense. En l'espèce, pour ce qui relève de Pierre Gattaz, ce n'est pas la première fois qu'il a cette lubie", a dit M. Macron.
Le travail du gouvernement est de "réformer le pays", et en matière de fiscalité, "il y a un pacte de responsabilité et de solidarité" qui sera exécuté, a dit M. Macron.
"Mais ça ne sert à rien d'en rajouter chaque semaine, c'est de la provocation", a lancé le ministre, en estimant que le président du Medef devrait plutôt se concentrer sur la recherche de "dialogues de branche", d'un "vrai dialogue social", de négociations avec les apprentis ou encore branche par branche. "Ce que je constate, c'est que ça n'est pas le cas", a dit M. Macron.
Le patron du Medef explique souvent la disparition ou la vente à l'étranger d'entreprises industrielles patrimoniales françaises par l'ISF, qui distingue selon lui la France d'autres pays.
"En 2014 je n'ai plus aucun concurrent patrimonial en France et j'ai toujours 40 concurrents patrimoniaux allemands qui vont très bien, qui se développent fantastiquement", a-t-il dit en allusion à son entreprise Radiall, qui avait selon lui une vingtaine de concurrents français et 40 allemands il y a une trentaine d'années.
A ses yeux, la fiscalité en France est "inversée": elle est "faible" sur la consommation avec "la TVA à 20%" -- "alors qu'on pourrait être à 23, 24, 25, 26, 27 pour financer un fort niveau de protection sociale", comme dans les pays du Nord --, mais celle de l'épargne et du capital est elle "énorme, indécente".
"On a besoin de financements pour nos gamins, nos gamines qui créent des start-ups et veulent se développer dans la durée", a-t-il déclaré, appelant à ce que "tout un chacun" puisse y investir et être "rémunéré de son risque". Et de déplorer que le mot "dividende" soit "interdit en France, c'est un totem", alors qu'il s'agit de "la rémunération d'un risque".
M. Gattaz a cependant "applaudi" le Pacte de responsabilité qui prévoit à terme 40 milliards d'allègement de cotisations sociales et d'impôts sur les entreprises.
A Londres, Emmanuel Macron a rappelé à l'intention de M. Gattaz l'intervention faite l'an dernier par le PDG du géant pétrolier Total, Christophe de Margerie, aujourd'hui décédé, qui avait invité à ne pas faire de propositions "qu'on savait inatteignables".
M. Gattaz avait en effet déjà demandé fin août 2013 la suppression de l'ISF et déclenché un vif débat avec M. de Margerie en clôture de l'université d'été du Medef. "Ne demandons pas des choses qu'on ne peut pas obtenir", avait dit le patron de Total, "ne faisons pas non plus de surenchère".