C'est le genre de récompenses dont les entreprises se passent volontiers: les "prix Pinocchio", remis mardi par Les Amis de la Terre, permettent à l'association de dénoncer, sur un ton décalé, certains discours "faussement développement durable".
Après Bolloré, Total, EDF ou Areva, "distingués" lors des deux premières éditions, le banque Crédit agricole, le groupe agro-alimentaire Somdiaa et le groupe minier Eramet sont les "lauréats" des "Pinocchio" 2010 désignés par les votes de quelque 6.000 internautes.
Dans la catégorie droits humains, les internautes ont épinglé cette année le groupe Somdiaa, filiale de Vilgrain, dont l'extension de ses activités de production de canne à sucre "se fait aux dépens des communautés rurales qui voient leur sécurité alimentaire menacée", selon l'association.
Le prix environnement revient à Eramet "pour le projet de développement de la mine de nickel de Weda Bay, en Indonésie" qui menacerait des "fragiles écosystèmes forestiers de l'île d'Halmahera".
Pour le "greenwashing", les internautes ont plébiscité le Crédit agricole pour un spot télévisé vantant les bienfaits du "green banking" diffusé dans plusieurs pays mais pas en France.
Une campagne de communication qualifiée de "sortie de route" par Jacques-Olivier Barthes, porte-parole de l'Observatoire indépendant de la publicité (OIP), partenaire des Pinocchio, alors que les entreprises auraient plutôt tendance à faire quelques progrès en la matière.
"Les prix Pinocchio récompensent le double discours d'entreprises françaises, avec parfois un décalage entre le discours de façade et les impacts de leurs activités, notamment dans les pays du sud", souligne Aloys Ligault, chargé de campagne Responsabilité des entreprises aux Amis de la Terre.
Ils sont remis dans trois catégories: droits de l'Homme, environnement et "greenwashing" (ou usage abusif d'arguments environnementaux en publicité).
Les "Pinocchio" sont l'équivalent français d'autres "prix citron" de l'environnement, comme le "Public Eye Award" remis chaque année en Suisse en contrepoint du Forum économique mondial de Davos ou le "Worst Lobby Award" qui distingue de façon humoristique depuis 2005 à Bruxelles "les pratiques douteuses des groupes de pression dans le domaine du changement climatique et des réglementations financières".
Lors du sommet de Copenhague fin 2009, le Climate Action Network (CAN), qui rassemble près de 500 ONG, a assuré l'animation en remettant ses fameux "Fossiles du jour", devenus l'un des rituels des rendez-vous climatiques, aux "pays qui font le plus d'efforts pour freiner l'avancée des négociations".
Ces manifestations permettent aux associations de s'adonner à "une illustration médiatique d'un travail de recherches et de plaidoyer qui a lieu tout au long de l'année", précise Aloys Ligault des Amis de la Terre.
Car si la forme se veut "décalée et humoristique", le fond reste "sérieux", l'objectif étant de dénoncer les impacts sociaux ou environnementaux de certaines activités, rappelle-t-il.
L'association avait choisi les nominés -- quatre par catégorie -- à partir des informations de son réseau international (70 organisations) et d'autres collectifs (Peuples Solidaires et le Crid, le Centre de recherche et d'information pour le développement).