PARIS (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi de relever ses taux d'intérêt pour la neuvième fois d'affilée, poursuivant le resserrement de sa politique monétaire face à une inflation persistante tout en gardant ouvertes ses options quant à un relèvement supplémentaire du coût du crédit.
Comme attendu par les marchés, la BCE a choisi de relever ses taux d'un quart de point, ce qui porte son taux de dépôt à 3,75%, son plus haut niveau depuis 2000. Le taux de refinancement est porté à 4,25%.
Ce dernier relèvement porte à 425 points de base au total la hausse des taux dans la zone euro depuis un an, un resserrement sans précédent dans l'histoire de la monnaie unique justifié par la lutte contre l'envolée des prix.
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a déclaré lors d'une conférence de presse que la suite des événements était encore incertaine, bien que la banque centrale demeure déterminée à freiner l'inflation.
"Nous ne sommes pas dans le domaine du cadrage prospectif ("forward guidance"), mais nous sommes fermes dans notre détermination à briser le dos de l'inflation", a déclaré Christine Lagarde.
"Il y aura peut-être une hausse (à la prochaine réunion). Il y aura peut-être une pause. C'est un peut-être décisif", a-t-elle déclaré, ajoutant que la banque était "ouverte d'esprit".
"Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire, pour assurer un retour au plus tôt de l’inflation au niveau de notre objectif de 2% à moyen terme", a déclaré la BCE dans son communiqué.
Le communiqué de l'institution ne fait toutefois plus référence au fait que les taux doivent être "ramenés" à un niveau permettant de réduire l'inflation suffisamment rapidement, un léger changement qui pourrait être perçu comme une indication que de nouvelles hausses de taux ne sont pas acquises.
Christine Lagarde a expliqué que cette modification n'était "ni aléatoire ni hors de propos".
"Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive", a ajouté la BCE dans son communiqué, alimentant l'incertitude pour sa prochaine réunion de septembre.
Sur les marchés financiers, l'euro a effacé ses gains face au dollar après le communiqué de la BCE et creusé encore ses pertes pour tomber à 1,10 dollar à la suite du discours au ton "dovish" de Christine Lagarde. Le rendement des emprunts d'Etat allemand à deux ans, sensible aux évolutions de politique monétaire, reculait de près de 10 points de base, à 3,174%.
L'inflation dans la zone euro a diminué de presque moitié, passant de 10,6% en octobre dernier à 5,5% en juin, mais les responsables de la BCE continuent de penser qu'elle pourrait rester "trop élevée pendant trop longtemps".
Christine Lagarde a déclaré que les risques d'effets de second tour ne s'étaient pas aggravés depuis le mois dernier, mais le marché du travail reste exceptionnellement tendu, avec un taux de chômage exceptionnellement bas, ce qui augmente le risque que les salaires augmentent rapidement.
De nombreux investisseurs et analystes s'attendent donc à ce que la BCE relève de nouveau les taux en septembre et ne s'arrête que si les données salariales de l'automne signalent un soulagement de ces tensions.
RECESSION ?
Un nombre croissant d'investisseurs parient pourtant sur le fait que la hausse de jeudi sera la dernière.
Les indicateurs de confiance des entreprises, des investisseurs et des consommateurs, ainsi que les enquêtes sur les prêts bancaires, indiquent une détérioration de l'activité après que la zone euro a frôlé la récession l'hiver dernier.
Or, un éventuel rebond est improbable, l'industrie manufacturière étant en profonde récession tandis que le secteur des services, auparavant résistant, montre des signes d'essoufflement.
Cette faiblesse, exacerbée par une perte de pouvoir d'achat après l'érosion des revenus réels due à l'inflation, pourrait réduire les pressions sur les prix plus rapidement que prévu, ce qui laisserait moins de travail à la banque centrale.
"Nous savons que nous nous rapprochons" de la fin des hausses de taux, a commenté Christine Lagarde.
La veille, la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé l'objectif des taux des fonds fédéraux à son niveau le plus élevé depuis 16 ans, tout en laissant la porte entrouverte à d'autres augmentations du coût du crédit, citant une inflation toujours élevée.
(Rédigé par Blandine Hénault, avec Balazs Koranyi, Francesco Canepa et Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)