Un projet d'oléoduc dans l'ouest du Canada promet d'ouvrir aux pétroliers les marchés asiatiques et apporter des milliards de dollars au pays, mais les Amérindiens s'y opposent: il y a trop de risques, selon eux, pour la nature et leur culture traditionnelle.
La côte pacifique de la province de Colombie-Britannique est célèbre pour ses forêts tropicales et sa riche faune marine.
Si le groupe Enbridge, spécialisé dans le transport d'hydrocarbures, parvient à obtenir les autorisations nécessaires pour son projet Northern Gateway, l'image de la région changera abruptement, avec un oléoduc et un terminal maritime où coulera le brut extrait des sables bitumineux de l'Alberta, à plus de 1.000 km de distance. Jusqu'à 525.000 barils de brut pourront passer quotidiennement par l'oléoduc.
Le Canada possède la troisième réserve de pétrole du monde, mais son exploitation, notamment dans cette région, risque d'être coûteuse.
"Ce ne sont pas des gisements de pétrole que nous avons dans notre sol, c'est du sable et de la boue qui contiennent du pétrole et du bitume et il faut séparer le bitume du sable et de la boue", souligne Karen Campbell, directrice chargée de la stratégie et du personnel à l'Institut Pembina, une organisation écologiste respectée.
L'extraction de ce pétrole demande plus d'énergie que les forages traditionnels. Elle exige beaucoup de chaleur, d'eau et de produits chimiques et laisse derrière elle des bassins de décantation pollués et un paysage écorché.
Enbridge estime que Northern Gateway apportera à l'industrie de l'énergie canadienne 28 milliards de dollars canadiens (28,4 milliards de dollars américains) pendant la première décennie suivant sa mise en service, attendue fin 2016, grâce aux ventes sur le marché américain et en Asie.
Mais pour ses opposants, cette perspective n'est pas très attirante.
Les Amérindiens, dont les territoires seraient traversés par l'oléoduc, sont en première ligne.
Enbridge a proposé des compensations financières à plusieurs communautés autochtones, mais pour la plupart d'entre elles les risques sont tout simplement trop grands.
Il s'agit surtout d'éventuelles catastrophes de pétroliers et de marées noires. Une fuite d'un oléoduc a relativement moins d'impact sur l'environnement. Ce sont donc les baleines et les orques qui pourraient être les plus exposés. Mais la canalisation devrait traverser une zone unique de la forêt pluviale où vivent les ours Kermode, une espèce rare de l'ours noir qui est en fait blanc en raison d'un gène récessif.
"Rien de ce qu'ils (Enbridge) peuvent offrir ne pourra remplacer notre culture", dit Art Sterritt, directeur exécutif de l'association des Premières nations de la Côte.
"Le trafic de pétroliers la sape déjà et aucune somme d'argent ne saurait compenser la perte de nos traditions et de notre culture", poursuit-il.
Enbridge, qui n'a pas voulu s'exprimer sur ce sujet, s'est engagé par ailleurs à renforcer les mesures de sécurité après la marée noire dans le Golfe du Mexique en 2010.
Il s'agit de pétroliers à double coque, de pilotes locaux pour les bateaux naviguant près des côtes et de cellules de réaction rapide en cas de marée noire.
"L'unique moyen de faire changer d'avis les Premières nations, dit Art Sterritt, serait qu'Enbridge puisse garantir qu'il n'y aurait jamais d'accident de pétrolier". Mais, même avec les systèmes de sécurité les plus récents et perfectionnés, aucune compagnie pétrolière au monde ne peut offrir une telle garantie.