La crise ukrainienne commence à peser sur l'économie, déjà au ralenti, de la Russie, où les fuites de capitaux ont repris de plus belle, même si les sanctions ont un impact pour l'instant limité, selon des analystes.
Les sorties de capitaux de Russie -- indicateur très suivi des investisseurs car ils reflètent le climat des affaires dans le pays -- se sont nettement intensifiées au cours du premier trimestre, selon les estimations d'Andreï Klepatch, vice-ministre russe de l'Economie.
Ces fuites de capitaux devraient atteindre entre 65 et 70 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l'année, a estimé lundi ce responsable, cité par Prime Tass, alors qu'elles s'étaient établies pour l'ensemble de l'année 2013 à 62,7 milliards.
"Cela représente pour le premier trimestre une somme plus importante que pour toute l'année 2012, ce qui ne peut pas être un signe positif", a souligné Ivan Tchakarov, chef économiste pour la banque Citi à Moscou, estimant que ce phénomène est "lié à la situation générale d'incertitude" avec la crise politique en Ukraine et la tension dans les relations avec les Occidentaux.
Le haut niveau de sorties nettes de capitaux, problème endémique en Russie, traduit des transferts massifs de sommes détenues en roubles par des entreprises russes ou des individus pour les mettre à l'abri en devises, ou des fonds rapatriés par des sociétés étrangères opérant en Russie.
"La pression sur le taux de change que l'on observait au début de l'année s'est encore accentuée en mars avec l'incertitude politique", relève Natalia Orlova, chef économiste pour Alfa Bank.
Pour M. Klepatch, cité par l'agence Prime Tass, "le refroidissement des relations (avec l'Occident) apparaît comme un facteur négatif important pour la croissance économique et joue sur les fuites des capitaux".
- "un problème de stagnation" -
Le responsable a estimé par ailleurs que la Russie avait "un problème de stagnation" de son économie, alors que la croissance du PIB russe devrait s'établir au premier trimestre "à un peu plus de zéro", après 1,3% sur l'ensemble de 2013.
Si le gouvernement table toujours officiellement sur une croissance d'au moins 2% en 2014, les économistes des principales banques estiment qu'elle pourrait ralentir à 1% ou moins cette année.
Le patron de la banque publique Sberbank, Guerman Gref, a de son côté averti lundi que "si les sorties de capitaux atteignent 100 milliards de dollars, il est tout à fait possible que nous ayons une croissance nulle". Ancien ministre de l'Economie, il a ajouté que le "risque de récession demeure", alors que la banque centrale a relevé début mars son taux directeur à 7%.
Après avoir perdu quelque 10% depuis le début du mois, les marchés boursiers russes, comme le taux de change du rouble, se sont toutefois stabilisés depuis une semaine alors que l'impact des sanctions occidentales semble pour l'instant circonscrit.
Pour l'instant les sanctions qui touchent 20 personnalités et une banque, "sont vues comme très personnalisées et sans répercussions générales", note Natalia Orlova.
Mais les pays du G7 ont averti lundi Moscou qu'ils étaient prêts à mettre en place des "sanctions sectorielles coordonnées qui auront des conséquences de plus en plus importantes sur l'économie russe, si la Russie poursuit cette escalade" en Ukraine.
Elles pourraient porter sur l'énergie, la banque, la finance ou l'armement, a indiqué un haut responsable américain s'exprimant sous couvert de l'anonymat, à l'issue du sommet de La Haye.
Les agences de notations Fitch et Standard and Poor's ont en mars l'une après l'autre passé de "stable" à "négative" la perspective de la note souveraine de la Russie, signifiant ainsi qu'elles pourraient l'abaisser cet indicateur de la qualité du crédit.
"L'impact direct des sanctions annoncées est pour l'instant mineur, mais l'incorporation de la Crimée dans la Fédération russe va probablement amener l'Union européenne et les États-Unis à élargir les sanctions en réponse", a estimé Fitch.
"Dans le pire des scénarios, les États-Unis pourraient interdire aux institutions financières étrangères de faire des affaires avec les banques et les entreprises russes", s'inquiète l'agence.