par Kevin Yao
PEKIN (Reuters) - La hausse du yuan et son impact sur les exportations préoccupent les autorités chinoises mais il est peu probable que celles-ci interviennent en force pour y mettre un terme au risque d'être accusées de manipuler les taux de change par le président américain Donald Trump.
La monnaie chinoise, après sa baisse de 2016, s'est nettement appréciée depuis le mois de mai, au point d'atteindre un pic de près de deux ans face au dollar.
"Il vaut mieux qu'elle s'apprécie que l'inverse mais il ne faut pas qu'elle le fasse trop rapidement, sinon c'est mauvais pour les entreprises locales", a dit l'une des quatre sources interrogées par Reuters.
Le yuan a fait une pause cette semaine à un peu plus de 6,5 par dollar, un seuil que les autorités surveillent de près selon les sources. Mais il a dépassé ce niveau jeudi et atteint vendredi 6,4470, un plus haut de 21 mois.
Ce dynamisme du yuan s'explique par un recul généralisé du billet vert, par l'optimisme que suscite la conjoncture économique chinoise, par une offensive du pouvoir pour restreindre les sorties de capitaux et, plus récemment, par un contrôle plus étroit exercé par la Banque populaire de Chine (BPC) sur le taux pivot, autour duquel le yuan peut varier de plus ou moins 2%.
La hausse du yuan face au dollar est de l'ordre de 7,8% depuis le début de l'année, dont un peu plus de 6% depuis fin mai. La monnaie chinoise s'était dépréciée de 6,5% en 2016, sa plus lourde perte depuis 1994.
La BPC a prélevé 1.000 milliards de dollars sur ses réserves de change en l'espace de deux ans et demi pour faire remonter la devise mais sa vigueur retrouvée fait craindre désormais des dommages pour l'économie en général et le secteur de l'exportation en particulier, ce qui ne serait pas du meilleur effet alors qu'aura lieu cet automne le congrès du Parti communiste chinois, sur lequel le président Xi Jinping compte pour y affirmer son pouvoir.
ÉVITER UNE ENVOLÉE "DÉSASTREUSE"
"Si le yuan montait fortement, ce serait désastreux", a dit l'une des quatre sources de Reuters, lesquelles participent aux discussions de politique monétaire sans pour autant prendre part au processus de décision.
L'une des sources a rapporté que le ministère du Commerce avait manifesté sa préoccupation face à la montée de la monnaie.
La BPC et le ministère n'ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Quant à intervenir sur le marché pour renverser la tendance, les autorités chinoises n'y semblent guère disposées, pour des raisons politiques.
Le Trésor américain doit en effet publier en octobre un nouveau rapport sur les pratiques de change des partenaires commerciaux des Etats-Unis et il avait dit en avril qu'il faudrait surveiller la manière dont Pékin gérait la hausse du yuan.
"La Chine devra démontrer que le fait qu'elle se soit abstenue d'intervenir pour résister à l'appréciation (du yuan) ces trois dernières années correspond à un changement de politique durable consistant à laisser le yuan monter au gré des forces du marché lorsque les pressions en ce sens se manifestent à nouveau", écrivait alors le Trésor.
Certains cambistes soupçonnent toutefois la banque centrale chinoise de commencer à laisser paraître son souhait de voir la hausse du yuan s'essouffler quelque peu. Elle a relevé vendredi, pour la dixième fois consécutive, le taux pivot officiel mais bien moins que ce que le marché attendait, selon des intervenants.
Les analystes de Citi pensent que la BPC peut affaiblir le yuan sans intervenir directement, par exemple en encourageant les entreprises à rapatrier leurs bénéfices et en assouplissant les mesures de contrôle des changes et celles limitant les investissements.
En tous les cas, la hausse du yuan est devenue "excessive", selon une source proche du ministère du Commerce. "Du point de vue des exportateurs, 6,50 (pour un dollar) est une barrière importante; le yuan pourrait monter jusqu'à 6,30, ce qui serait trop fort."
(Avec Qizi Sun et Winni Zhou à Shanghai, Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Angrand)