Au-delà de l'effet immédiat sur le tourisme et la consommation, les attentats de Paris risquent-ils de porter un coup durable à l'économie française et à l'attractivité de l'Hexagone? Peu probable, sauf si de tels événements tragiques devaient se multiplier en France, estiment économistes et observateurs.
New York en 2001, Madrid en 2004, Londres en 2005, Bombay en 2008... Avant Paris, c'est toute une série de métropoles qui ont été la cible d'attaques terroristes de grande ampleur, faisant à chaque fois plusieurs dizaines, voire des centaines de victimes.
Si ces événements ont eu un impact immédiatement perceptible sur la fréquentation touristique et le commerce, ils n'ont pas pour autant pesé lourdement sur l'économie des pays touchés.
En Espagne, un rapport réalisé en 2005 par un institut de recherche de l'université madrilène Complutense avait estimé le coût des attentats de Madrid, qui avaient fait 191 morts et 1.800 blessés le 11 mars 2004, à 0,16% du produit intérieur brut (PIB) pour la région de Madrid et à seulement 0,03% pour le PIB national.
Au Royaume-Uni, la confiance des ménages s'était érodée dans les deux mois qui avaient suivi les attaques de Londres en juillet 2005, mais au final la reprise économique, qui venait de s'amorcer, s'était poursuivie, souligne BNP Paribas (PA:BNPP) dans une note.
En Inde, où 166 personnes avaient trouvé la mort quand des islamistes avaient pris d'assaut à Bombay des hôtels de luxe, une gare, un centre juif et plusieurs autres sites, les commerçants avaient enregistré une baisse colossale de leurs bénéfices.
Dans le secteur du tourisme, "il y a eu une énorme vague d'annulations dans l'année qui a suivi", a confirmé à l'AFP Sujan Hajra, économiste chez Anand Rathi.
"Le climat des affaires a été touché pendant quelques mois", a déclaré de son côté à l'AFP Ashutosh Datar, économiste d'IIFL Institutional Equities.
"Mais la situation s'est normalisée au bout de trois à six mois, car aussi terribles qu'aient pu être ces attaques, il n'y avait pas le sentiment que le pays devenait instable, et l'économie n'a pas déraillé à long terme", selon M. Datar.
- Pas d'impact structurel -
Autant de précédents qui amènent à penser que la croissance française n'est pas menacée à long terme.
En attendant, les sociétés étrangères pourraient-elles se détourner de la France ou y réduire leur voilure? "Un investissement, c'est toujours une décision de long terme qui est liée à une stratégie d'entreprise", observe Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France, agence d'Etat qui vise à promouvoir l'attractivité de l'Hexagone.
"Le risque d'attentat concerne énormément de pays en Europe et au-delà de l'Europe", déclare-t-elle à l'AFP. "La nécessité d'investir dans les pays où il y a des talents, des infrastructures, des marchés, reste très importante dans les stratégies d'entreprises".
"Ce sont des événements qui ont un impact de court terme, mais pas d'impact de long terme et a fortiori pas d'impact structurel", résume l'économiste Elie Cohen. "Il en serait autrement si Paris devenait Beyrouth", remarque-t-il.
Toutefois, les attentats de la semaine dernière sont survenus moins d'un an après ceux de Charlie Hebdo, souligne BNP Paribas. De fait, "il risque d'y avoir une réaction plus importante qu'ailleurs, à un moment où la reprise économique est relativement molle", estiment des analystes de la banque.
Pour Philippe Gudin, de Barclays (L:BARC), la multiplication des attaques en Europe devraient peser lourdement sur la confiance des consommateurs, "un risque majeur alors que le principal vecteur de croissance (...) est la consommation".
"Les dépenses de consommation devraient rester faibles pendant quelques mois si les craintes de nouvelles attaques terroristes persistent", renchérit Goldman Sachs dans une note d'analyse, tout en estimant probable un changement de nature des dépenses vers des loisirs "basés à la maison".
L'agence de notation Standard and Poor's a prévenu jeudi que les attentats pourraient avoir "indirectement" des conséquences sur la croissance en Europe, les attentats risquant de renforcer "les partis et les candidats populistes ou carrément xénophobes". Ceci pourrait, selon elle, pousser les gouvernements sortants à s'éloigner des objectifs de réformes budgétaires et structurelles. Une donne qui pourrait générer une "pression à la baisse sur les notes" des pays européens.