TOULOUSE (Reuters) - La France n'est pas dans une situation désespérée mais elle doit mettre en oeuvre des réformes "assez vite", notamment sur son marché du travail "catastrophique", a déclaré lundi Jean Tirole, qui vient de se voir décerner le prix Nobel d'économie.
"Je ne pense pas que l'économie française est un cas désespéré car on a quand même beaucoup d'atouts", a-t-il dit à la presse à Toulouse, après avoir appris la nouvelle. "On a des grandes entreprises qui marchent bien, un tissu de PME qui est encore trop faible et beaucoup de capital humain."
Il a insisté sur la nécessité d'investir dans l'éducation et l'économie de la connaissance et "aussi de faire en sorte que notre pays puisse donner des bons emplois aux jeunes, qu'on ne leur laisse pas une dette trop élevée."
En plein débat sur le rythme de consolidation des finances publiques, Jean Tirole a plaidé pour que des réformes soient menées "assez vite". "La question n'est pas l'austérité. Ce sont les réformes qui donnent confiance à l'étranger dans l'avenir de la France", a-t-il indiqué.
Le prix Nobel a mentionné plus particulièrement le marché du travail et sa situation catastrophique pour les jeunes et les seniors, qui l'inquiète de longue date.
En 2003, il avait proposé avec Olivier Blanchard, aujourd'hui chef économiste du Fonds monétaire international, l'instauration d'un contrat de travail unique qui se substituerait aux CDD et CDI, assorti d'une augmentation progressive des droits des salariés en fonction de l'ancienneté.
Le sujet est toujours d'actualité. "Les jeunes dans leur très grande majorité (se voient) proposer des CDD qui sont de mauvais emplois car les entreprises ont trop peur de donner des CDI. On a une situation complètement absurde: à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout", a-t-il dit.
S'agissant des dépenses publiques, il estime que les pays scandinaves "ont montré que le modèle social pouvait être conservé avec un Etat plus léger, plus dynamique".
Quant à savoir comment ces propositions pourraient avoir l'oreille des responsables politiques, il a répondu: "Je lance des idées comme mes collègues, j'espère qu'elles seront utilisées à un moment ou à un autre".
"Keynes disait: les politiques utilisent des idées d'économistes dont ils ne connaissent même pas le nom et qui sont morts depuis longtemps. C'est un peu pessimiste mais j'y crois, c'est notre boulot", a-t-il conclu.
(Johanne Decorse, avec Yann Yann Le Guernigou à Paris, édité par Yves Clarisse)