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L'été difficile des pays émergents

Publié le 31/07/2015 09:29
De g à d, débout: la présidente du Brésil Dilma Rousseff, le premier ministre indien Narendra Modi et le président russe Vladimir Putin lors du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) le 9 juillet 2015 à Ufa, en Russie (Photo SERGEI ILNITSKY. POOL)
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De g à d, débout: la présidente du Brésil Dilma Rousseff, le premier ministre indien Narendra Modi et le président russe Vladimir Putin lors du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) le 9 juillet 2015 à Ufa, en Russie (Photo SERGEI ILNITSKY. POOL)

A l'ombre d'une crise grecque, qui tient économistes et investisseurs en haleine, les pays émergents connaissent un été difficile, entre convulsions boursières en Chine et crise au Brésil qui préoccupent les milieux d'affaires européens.

La puissante fédération de l'industrie allemande (BDI) vient de reconnaître dans un communiqué, à propos de la Chine, que "les entreprises allemandes s'étaient certes préparées à un ralentissement de la croissance chinoise, mais avaient néanmoins été surprises des sursauts extrêmes sur les marchés boursiers".

Les places boursières chinoises dégringolent depuis mi-juin, subissant une forte correction après des envolées spectaculaires, et prenant de court les petits porteurs qui constituent l'écrasante majorité des investisseurs, sur fond de ralentissement général de l'économie chinoise.

Mardi, c'était au tour du Brésil d'être pris pour cible par l'agence Standard and Poor's qui a jugé que la dette émise par le pays se rapprochait de plus en plus de la catégorie des placements "spéculatifs".

- Disgrâce des devises -

Sur les marchés des changes, la disgrâce des pays émergents est généralisée: les monnaies du Brésil, mais aussi du Mexique, de l'Afrique du Sud, de la Colombie et de la Turquie sont attaquées, et cotent à leurs plus bas niveaux depuis plusieurs années. La banque centrale russe a fait savoir mercredi qu'elle suspendait des achats controversés de devises étrangères, destinés à garnir ses réserves, en raison d'un accès de faiblesse du rouble.

Ces chutes reflètent en grande partie les glissades des cours des matières premières, qu'il s'agisse des hydrocarbures ou de métaux tels que le cuivre, qui pèsent lourd dans les exportations de nombreux émergents.

La semaine dernière deux grands de la mine mondiale, Anglo American (LONDON:AAL) et Lonmin, ont annoncé la suppression d'une dizaine de milliers d'emplois à eux deux, en Afrique du Sud et ailleurs.

Et pour de nombreux économistes, l'arrivée dans le jeu économique mondial de Cuba et de l'Iran va encore compliquer la situation de nombreux pays, ceux évoluant dans la sphère économique des Etats-Unis, et les exportateurs d'hydrocarbures.

Pour Christopher Dembik, économiste de Saxo Banque, la plupart des pays émergents "n'ont pas fait les réformes structurelles nécessaires, n'ont ni industrie diversifiée ni réelle société de consommation" pour amortir des chocs externes.

L'économiste voit dans la dégradation des perspectives des pays émergents un phénomène de fond qui ne s'explique pas seulement par la perspective d'une hausse de taux prochaine aux Etats-Unis, laquelle ferait revenir au galop vers le dollar des investisseurs attirés par de meilleurs rendements.

Alors que les pays développés ont bénéficié de longues périodes de prospérité pour consolider leurs modèles économiques, par exemple les Trente Glorieuses, M. Dembik juge qu'il sera "strictement impossible" pour les pays émergents de suivre le même modèle en raison de "la précipitation des cycles économiques", toujours plus courts car toujours plus liés aux versatiles marchés financiers.

Il considère toutefois que la Chine est un "cas à part" et se dit "optimiste à moyen et long terme" pour le pays, en raison de l'épargne privée accumulée, et de l'interventionnisme de l'Etat.

La directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde a elle jugé mercredi que l'économie chinoise était "résistante et suffisamment forte pour supporter ce genre d'importantes variations sur les marchés".

- Une "contre-mondialisation" -

Pour Patrick Artus toutefois, économiste de Natixis, "le ralentissement très important de la croissance potentielle de la Chine (de 8% par an de 2000 à 2010, à 3% par an dans les années 2020) aura des effets considérables", faisant baisser la croissance mondiale "de 1 point par an".

Ludovic Subran, économiste en chef de l'assureur Euler Hermes (PARIS:ELER), souligne lui la faiblesse persistante du commerce international, et y voit l'indice d'une "contre-mondialisation", de l'apparition de "forteresses" aux Etats-Unis et en Europe, où l'activité reprend mais sans que les pays émergents en bénéficient. "Les consommateurs européens et américains ne vont pas sauver le monde, le patriotisme économique et financier augmente", selon lui.

M. Subran rappelle également la constitution dans certains pays émergents d'opinions publiques plus attentives aux inégalités, plus réticentes à laisser piller les ressources naturelles, qui demandent des comptes sur les réformes menées, ce qui change la donne pour les gouvernements comme pour les investisseurs. Même en Chine, juge-t-il: "On ne peut pas importer des capitaux, avoir des cadres formés à l'étranger, sans importer aussi un peu de démocratie".

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