L'Irlande est officiellement sortie de l'austérité quatre ans après avoir été sauvée de la faillite par un plan d'aide international, en plein débat européen sur les vertus et dangers de la rigueur.
A l'occasion de la présentation du budget 2015 au Parlement, le gouvernement irlandais de centre-droit a annoncé en outre un durcissement des règles fiscales pour les entreprises, qui font l'objet de critiques européennes pour leur supposé laxisme - au moment où la Commission de Bruxelles enquête sur des accords passés entre Dublin et le géant américain Apple.
Le budget présenté par le ministre des Finances, Michael Noonan, prévoit des hausses de dépenses et des baisses d'impôt pour la première fois depuis sept ans, lorsque la crise financière internationale a frappé de plein fouet un pays en plein boom surnommé alors "le tigre celtique".
L'Irlande a traversé depuis une sévère cure d'austérité, qui a porté au total sur 30 milliards d'euros d'économies. Elle a même été contrainte d'accepter en 2010 un plan d'aide de l'Union européenne et du FMI portant sur 85 milliards d'euros, afin de sauver son système bancaire menacé de faillite par l'explosion d'une bulle immobilière, avant de s'affranchir de cette tutelle en décembre dernier.
"Le chemin a été très accidenté pour en arriver jusque-là", a souligné M. Noonan, pour qui le budget 2015 "doit permettre de garantir la reprise" économique, assez vigoureuse en 2014 avec une croissance qui pourrait dépasser les 3%, et un déficit sous la barre des 3% du PIB voulue par l'UE.
Parmi les mesures annoncées mardi figurent des baisses d'impôt pour les ménages des classes populaires et moyennes, qui ont payé un lourd sacrifice sur l'autel de l'austérité. M. Noonan a aussi dévoilé une enveloppe de 2 milliards d'euros pour le logement social, une hausse des allocations familiales et le retour partiel des primes de Noël.
- La fin du double Irlandais -
Un autre pays de l'Union européenne récemment sorti d'un plan d'aide international, le Portugal, doit aussi présenter cette semaine un budget dans lequel il pourrait lâcher un peu de lest en matière d'austérité.
Ces développements interviennent alors que le débat fait rage en Europe sur l'opportunité de maintenir une rigueur inflexible ou de laisser filer davantage les dépenses pour relancer un moteur économique qui connaît quelques ratés. La France en particulier, dont le président François Hollande plaide en faveur d'une pause dans les politiques d'austérité, s'oppose sur ce sujet à l'Allemagne de la chancelière Angela Merkel, farouche partisane de l'orthodoxie budgétaire.
M. Noonan a par ailleurs annoncé la fin d'une faille de son système fiscal surnommée péjorativement le "Double Irish" (le "double Irlandais") - une méthode utilisée par des multinationales américaines pour faire enregistrer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux via l'Irlande.
"J'abolis la possibilité des entreprises d'utiliser le double Irlandais, en changeant nos règles de résidence. Toutes les entreprises opérant en Irlande devront être résidentes fiscales en Irlande", a-t-il déclaré.
Ce changement interviendra dès 2015 pour les entreprises qui viendront s'installer en Irlande et d'ici à 2020 pour celles qui profitent actuellement du système.
Les critiques européennes avaient redoublé depuis l'ouverture d'une enquête de la Commission sur des accords passés entre Apple et l'administration fiscale irlandaise en 1991, et amendés en 2007. Ils ont permis à la marque à la pomme de ne payer qu'un taux d'impôt effectif de 2% dans ce pays où elle dispose de son siège européen.
"L'intention est très bonne", a salué mardi Algirdas Semeta, commissaire européen en charge de la Fiscalité qui attend toutefois la traduction concrète de la mesure.
A Dublin, M. Noonan a en revanche prévenu que le sacro-saint taux d'imposition de 12,5% sur les entreprises en Irlande, fustigé comme trop bas par de nombreux pays européens dont la France, "n'est pas et ne sera jamais ouvert à discussion". Il constitue un pilier de la politique économique de l'Irlande où se sont installées plus d'un millier de multinationales. Ce taux est de quelque 21% au Royaume-Uni, 29,8% en Allemagne, 35% aux Etats-Unis et 36,1% en France.