par Alex Lawler et Amena Bakr et Rania El Gamal
VIENNE (Reuters) - L'Opep ne devrait pas réduire son plafond de production à l'issue de sa réunion jeudi à Vienne, ont déclaré mercredi à Reuters trois délégués de l'organisation, écartant l'hypothèse d'une diminution de l'offre mondiale pour tenter d'endiguer la baisse du prix du baril.
L'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, a annoncé de son côté par la voix de son ministre du Pétrole, Ali al Naïmi, que le Conseil de coopération du Golfe avait adopté une position de consensus sur la politique de production du cartel, sans en préciser la nature.
Le baril de Brent a chuté de plus 30% depuis juin pour tomber sous le seuil des 80 dollars, victime de l'essor de l'exploitation des schistes et du ralentissement économique mondial, qui pèse sur la demande.
Les marchés estiment que seule une révision des quotas de production pourrait enrayer la dégringolade des cours. De ce point de vue, la réunion de jeudi sera donc l'une des plus importantes de l'organisation ces dernières années.
Vers 18h35 GMT, le Brent cédait 52 cents, soit 0,66%, à 77,80 dollars le baril, après avoir touché un plus bas de quatre ans à 77,30. Le brut léger américain (WTI) perdait quant à lui 30 cents (-0,4%) à 73,79 dollars.
Les Emirats arabes unis (EAU) ont rejoint la position de l'Arabie saoudite en affirmant que les prix allaient bientôt se stabiliser et en invitant les pays non-Opep à prendre part à la régulation du marché.
"Ce n'est pas une crise qui nous oblige à paniquer (...) nous avons connu (des prix) bien plus bas", a déclaré à mercredi à Reuters le ministre du Pétrole des EAU, Souhaïl bin Mohammed al Mazroui.
"Je pense que tout le monde doit jouer un rôle dans le rééquilibrage du marché, pas unilatéralement l'Opep", a-t-il ajouté.
VENEZUELA ET IRAK VOULAIENT RÉDUIRE LA PRODUCTION
Son homologue iranien, Bijan Zangeneh, a déclaré que certains membres de l'Opep, mais pas l'Iran lui-même, se préparaient désormais à une bataille des parts de marché et a jugé nécessaire la participation des pays non-membres de l'Opep à un éventuel effort de baisse de la production dans lequel s'engagerait l'Organisation des pays exportateurs de pétrole.
"Certains membres de l'Opep croient que le moment est venu de défendre ses parts de marché", a-t-il dit. "Tous les spécialistes du marché croient qu'il y a une offre excédentaire sur le marché et que l'offre excédentaire sera encore là l'an prochain."
De fait, si l'Opep, réduisait unilatéralement sa production, qui représente environ un tiers de l'offre mondiale, elle prendrait le risque d'abandonner des parts de marché aux producteurs nord-américains de pétrole de schiste.
"L'offensive du pétrole de schiste nord-américain a considérablement sapé les positions de l'Opep et réduit sa part de marché", explique Gary Ross, directeur général du cabinet d'études spécialisé PIRA Energy Group.
Si les pays producteurs du Golfe disposent de réserves de change qui leur permettent d'amortir d'une guerre des prix, celle-ci serait sans nul doute plus douloureuse pour d'autres pays membres du cartel, comme le Venezuela.
Celui-ci, tout comme l'Irak, s'est d'ailleurs prononcé en faveur d'une réduction de la production.
La Russie, qui produit 10,5 millions de barils de pétrole par jour (bpj), soit 11% de la production mondiale, a eu mardi des discussions avec plusieurs représentants de l'Opep, dont elle ne fait pas partie.
LA RUSSIE EST PRÊTE À LAISSER BAISSER LE BARIL
Mais Igor Setchine, le PDG du géant pétrolier russe Rosneft, a pris tout le monde de court en déclarant que Moscou ne baisserait pas sa production de brut même si le baril tombait à 60 dollars.
Il a ajouté s'attendre à ce que les prix bas affectent davantage les pays producteurs aux coûts élevés, faisant allusion à l'explosion de la production des Etats-Unis.
Beaucoup de membres de l'Opep ont été surpris par les propos d'Igor Setchine, qui suggèrent que Moscou est prêt à une guerre de prix alors que la Russie a besoin d'un baril au-dessus de 100 dollars pour équilibrer son budget.
En privé, certains responsables saoudiens ont déclaré ces derniers mois que le royaume était préparé à résister à une baisse des prix jusqu'à 70 dollars le baril pendant une période prolongée.
Ces messages ont alimenté des théories du complot soutenant que l'Arabie saoudite cherchait à freiner l'essor du pétrole de schiste aux États-Unis, qui a besoin de prix élevés pour rester rentable, ou encore que Ryad voulait saper l'influence de Téhéran et de Moscou en raison de leur soutien à l'ennemi juré Bachar al Assad, le président syrien.
"Je pense que même l'Arabie Saoudite ne sait pas encore si une réduction peut être réalisée", a commenté Virendra Chauhan, analyste du think tank Energy Aspects.
(avec Rania el-Gamal et David Sheppard, Claude Chendjou pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)