Le gouvernement qui s'était jusqu'ici montré réticent à soutenir la reprise de la compagnie de ferries SeaFrance, filiale de la SNCF en liquidation judiciaire, par ses propres salariés a finalement décidé lundi de donner sa chance au projet de coopérative (Scop) portée par la CFDT.
"Le gouvernement a décidé de soutenir le projet de Scop du mieux des moyens de l'Etat", a déclaré la ministre de l'Ecologie et des Transports Nathalie Kosciusko-Morizet, à l'issue d'une réunion à l'Elysée, où il a été décidé d'aider les salariés licenciés à investir leurs indemnités dans l'entreprise.
Ce changement de cap intervient alors que le ministère des Transports s'était toujours montré sceptique sur la viabilité du projet de coopérative, Mme Kosciusko-Morizet expliquant jusqu'à lundi matin sur France Inter que cette solution "n'était pas possible".
Thierry Mariani, le ministre en charge des Transports, espérait il y a quelques jours encore qu'"un autre repreneur" se manifesterait, allusion à l'offre avancée par le français Louis Dreyfus Armateurs (LDA) qui prévoyait de conserver 460 emplois équivalents temps plein. Cette offre avait toutefois avait été retoquée le 16 novembre par le tribunal de commerce.
"Aujourd'hui, il ne nous reste qu'un seul projet", a déclaré M. Mariani lundi à la presse, à l'issue d'une rencontre avec les syndicats de SeaFrance. "Si l'on met l'argent des primes de licenciement au capital de SeaFrance, la société peut reprendre", a-t-il expliqué.
Dans la matinée, Nathalie Kosciusko-Morizet avait expliqué qu'il s'agissait d'utiliser "les indemnités que percevraient les salariés en cas de cessation d'activité pour financer la Scop. Ces indemnités pourraient être "majorées par des indemnités extra-légales", a ajouté Mme Kosciusko-Morizet, sans toutefois préciser leur montant.
Rappelant que les collectivités locales ont proposé de s'engager dans le projet à hauteur de 12 millions d'euros, la ministre a indiqué que l'ensemble des fonds ainsi rassemblés permettrait de "couvrir" les besoins nécessaires à la création de la Scop, soit "40 à 50 millions d'euros".
L'offre du gouvernement, qui a été présentée dans l'après-midi aux syndicats au ministère des Transports, "passe par le rachat des bateaux par la SNCF, qui les relouerait ensuite pour une somme modique à la Scop", a déclaré à la presse Didier Cappelle, secrétaire général de la CFDT Maritime Nord.
Le syndicaliste a toutefois déploré que, dans ce cas de figure, la SNCF "resterait propriétaire des navires". "Il y a un blocage idéologique du gouvernement sur le fait de voir les salariés entrer en possession des actifs", a-t-il regretté.
Le projet de coopérative ouvrière est la seule offre en lice pour reprendre SeaFrance, filiale de la SNCF qui emploie 880 personnes en CDI à Calais, et génère au moins autant d'emplois indirects.
Le président Nicolas Sarkozy avait réuni lundi matin à l'Elysée les ministres concernés par le dossier, alors qu'il a fait de l'emploi la priorité absolue de son mandat et que le tribunal de commerce de Paris doit statuer mardi matin sur l'offre de reprise de la Scop.
Le Premier ministre François Fillon a reçu pour sa part le patron de la SNCF Guillaume Pepy en milieu d'après-midi. "On a travaillé avec les services du Premier ministre sur la mise en oeuvre des décisions qui ont été annoncées ce matin par le gouvernement", a déclaré M. Pepy.
"En tant que co-employeur de SeaFrance, la SNCF devrait être incitée à mettre la main à la poche et à intervenir en amont, sous forme d'indemnités versées aux salariés, afin d'éviter une mise en cause ultérieure", a déclaré Me Fouad Barbouch, avocat de la Scop, joint par l'AFP.