Au comptoir ou en salle, le demi de bière pourrait se payer plus cher, le gouvernement souhaitant augmenter l'une des taxes sur cette boisson alcoolisée, provoquant la colère des patrons de bistrots, qui y voient un nouveau danger pour un secteur déjà fragilisé par la crise.
"Cette taxe, c'est la mise en bière du café !", s'alarme Michel Benezet, président des cafés, bars, brasseries du Synhorcat, l'une des organisations patronales, joint par l'AFP.
Dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2013, le gouvernement veut relever le niveau de fiscalité sur les bières, ce qui rapportera 480 millions d'euros à la Sécu. Selon le projet, cette augmentation se traduira par une "hausse équivalente à 5 centimes sur un demi de bière", vendu entre 2,50 et 3 euros.
Une hausse annoncée des prix qui tracasse également l'Umih, principale organisation patronale de l'hôtellerie-restauration, à l'heure où "deux bistrots mettent chaque jour la clé sous la porte".
"La consommation de la bière chaque année dans nos établissements, c'est deux milliards de demis, c'est 4,5 millions d'hectolitres, c'est 25% du chiffre d'affaires de nos établissements", affirme l'Umih.
"C'est un mauvais coup porté à la profession après l'interdiction de fumer dans les bars et la loi Bachelot (qui interdit de vendre de l'alcool aux moins de 18 ans, NDLR). D'autant que la consommation de bière a baissé de 38 à 40% en volume depuis une vingtaine d'années sur nos comptoirs", considère Michel Benezet.
"Cela va impacter mécaniquement l'activité de nos entreprises et cela aura des conséquences graves en termes d'emplois, de fermetures d'établissements et donc d'aménagement du territoire", explique Laurent Lutse, président de la filière au sein de l'Umih, Laurent Lutse. En 50 ans, le nombre de cafés en France est passé de 200.000 à moins de 30.000, rapelle l'Umih.
Augmenter les prix ou pas?
Cette hausse prévue des droit d'accise sur la bière intervient dans un contexte déja morose pour les cafés et bistrots, qui connaissent depuis le début de la crise une baisse de leur fréquentation depuis 2008, surtout de la la clientèle des adultes seuls (25 ans et plus non accompagnés d'enfants).
"Les patrons qui vont répercuter cette hausse sur leur prix de vente risquent de voir leur fréquentation décrocher à nouveau. Quant à ceux qui ne la répercutent pas, ils vont devoir taper dans leurs marges. Dans tous les cas, ils sont piégés", commente Bernard Boutboul, directeur général du cabinet Gira Conseil.
A Paris, dans les cafés et bistrots, c'est la résignation qui domine: "Je ne vais pas augmenter mes prix, sous peine de perdre de la clientèle. C'est une nouvelle taxe de plus", lance Jean-Christophe Lajeunesse, qui gère le café-restaurant Le Ducat (IIè).
"On ne va pas changer nos tarifs, ni refaire la carte à chaque fois que le gouvernement fait une nouvelle loi", lâche, désabusé, le manager d'une brasserie chic du VIIIè arrondissement, qui souhaite rester anonyme.
A Lille, Amandine Bretones, gérante du Peek A Boo, un café spécialiste de la bière va faire "passer le prix du demi de Pils de 2,40 euros à 2,50 euros". Pour la pinte, la hausse "pourrait être de 40 à 50 centimes". Sans craindre de perdre "des clients. 10 centimes, ce n'est pas énorme", rappelle-t-elle.
Aux Compagnons de la grappe, dans le centre de Lille, Thomas Bianchi, responsable de salle, estime que même si "la hausse peut paraître symbolique, cela peut poser problème pour certains clients, le midi notamment". Sans espoir que ses clients se tournent vers le vin. "Dans le nord, on consomme surtout de la bière".