CGT et FO organisent ensemble jeudi une journée de mobilisation contre les réformes "libérales" du gouvernement, une première depuis le début du quinquennat, mais la contestation contre les ordonnances, déjà entrées en vigueur, s'est désormais déplacée sur le terrain judiciaire.
La SNCF anticipe seulement de légères perturbations sur les réseaux TER et Intercités, la RATP une journée "normale". Dans le ciel, "quelques perturbations sont à prévoir", selon l'Aviation civile.
Le mot d'ordre de cette journée de grèves et de manifestations, également à l'appel de Solidaires, de la FSU et d'organisations de jeunesse (Unef, UNL, Fidl), est large, visant les salariés du privé et du public.
Mais la division syndicale reste de mise. Si la CFDT et la CFE-CGC critiquent les ordonnances et les mesures d'économies dans la fonction publique, elles n'ont pas rejoint l'appel, malgré les demandes insistantes d'une partie des militants.
Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, s'y refuse car manifester donnerait au gouvernement "des arguments" pour ranger les syndicats "sur l'étagère du vieux monde".
Il préfère se focaliser sur les concertations du nouveau volet des réformes sociales (apprentissage, formation professionnelle, assurance chômage).
"Pour notre part, nous sommes convaincus que les grèves et les manifestations restent, en France comme partout dans le monde, efficaces", répond Philippe Martinez, numéro un de la CGT, qui en sera à sa quatrième journée de mobilisation contre les ordonnances.
La CGT salue comme une "bonne nouvelle" le ralliement de FO jeudi, mais il ne s'agit que d'une union ponctuelle, qui n'a rien à voir avec l'entente de 2016 contre la loi travail. Philippe Martinez et Jean-Claude Mailly (FO) avaient alors organisé ensemble 14 journées de mobilisation.
Avec les ordonnances, les liens entre les deux syndicats se sont distendus et les deux dirigeants ont multiplié les échanges à fleuret moucheté. Jeudi, MM. Martinez et Mailly seront chacun de leur côté, le premier à Paris et le second à Marseille.
Jean-Claude Mailly dit privilégier la concertation, grâce à laquelle "les lignes ont bougé" sur les ordonnances, notamment pour maintenir le rôle des branches.
C'est forcé par sa base que le numéro un de FO a rallié l'appel du 16 novembre, qui sera "une façon de rappeler que nous sommes en désaccord sur certains points, notamment la fusion des instances représentatives du personnel", explique-t-il.
- 'Dangers' -
Pour l'exécutif, la page des ordonnances est tournée, même si le projet de loi de ratification doit encore être débattu à l'Assemblée nationale du 21 au 24 novembre, avant un vote le 28.
La semaine dernière, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a une fois de plus défendu une réforme qui va "protéger les salariés" et "libérer les capacités d'initiative des entreprises".
Une vision que ne partagent pas les syndicats qui ont, au contraire, alerté les députés des "dangers" de cette réforme.
La possibilité de "négocier" directement avec les employés dans les entreprises de moins de 20 salariés dépourvues d'élus du personnel inquiète particulièrement, les syndicats rappelant le lien de subordination entre l'employé et son employeur.
La CFDT a d'ailleurs déposé lundi un recours devant le conseil d'Etat pour contester cette mesure, qui revient à une "décision unilatérale de l'employeur", selon elle.
La CGT aussi a déjà saisi cette juridiction sur trois ordonnances relatives, entre autres, à la négociation collective, à la fusion des instances et à la barémisation des indemnités prud'homales. Cette dernière mesure a été attaquée par plus d'une vingtaine de syndicats CGT.
FO a aussi laissé entendre le mois dernier qu'elle allait former des recours.
En outre, plusieurs organisations lycéennes, étudiantes ou enseignantes (Unef, Snesup-FSU, UNL) ont appelé manifester jeudi pour contester le projet de loi redéfinissant les modalités d'entrée à l'université.
Ce texte, qui doit être présenté la semaine prochaine en conseil des ministres, menace "le libre accès à l'enseignement supérieur", selon elles.
La première mobilisation contre les ordonnances avait réuni dans toute la France le 12 septembre entre 500.000 (selon les syndicats) et 223.000 personnes (police), puis le mouvement s'est nettement essoufflé au cours des deux journées de mobilisation suivantes.