Les prix à la production ont bondi en novembre en Chine, confirmant la fin de la déflation du secteur industriel après quatre ans de repli, grâce au renchérissement du charbon et à la baisse du yuan, mais sur fond de demande très volatile.
L'indice des prix sortie d'usine (PPI), qui reflète à la fois le coût et la demande des produits industriels, a grimpé le mois dernier de 3,3% sur un an, contre 1,2% en octobre, a annoncé vendredi le Bureau national des statistiques (BNS).
C'est sa plus vigoureuse progression depuis cinq ans. Les analystes sondés par Bloomberg n'escomptaient qu'une hausse moitié moindre (+2,3%).
"Désormais, la Chine représente dans le monde une source de pression inflationniste, et non plus de déflation", tranche Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.
"La Chine est bel et bien sortie de l'impasse déflationniste où elle s'enfonçait depuis des années", confirme Raymond Yeung, de la banque ANZ. Le géant asiatique "entre dans un nouveau cycle inflationniste".
Scruté de près, l'indice PPI n'avait cessé de se replier ces dernières années, pendant 54 mois consécutifs, avant d'inverser la tendance en septembre avec un timide sursaut de 0,1%.
Depuis 2012, une demande atone et de colossales surcapacités obligeaient les entreprises à casser les prix. Cette glissade incitait en retour les clients à reporter des commandes dans l'attente de meilleures offres, asséchant du coup les ressources de producteurs déjà très endettés.
De son côté, la hausse des prix à la consommation a accéléré légèrement en novembre, à 2,3%, dopé par les prix alimentaires, du logement et de l'énergie.
- Surcapacités sous pression -
Cependant, la spectaculaire embellie des prix sortie d'usine traduit "une inflation largement alimentée par les coûts (des entreprises) plutôt que par la demande, cela ne suggère aucune amélioration notable de la demande d'ensemble", martèle Yang Zhao, économiste de Nomura.
Même l'expert du BNS Sheng Guoqing en convient: le PPI a été avant tout tiré par le renchérissement exceptionnel des matières premières (charbon, acier, métaux de base).
Les prix à la production concernant le charbon ont ainsi grimpé de 28% sur un an, ce qui se répercute sur la facture des entreprises gourmandes en énergie et donc leurs prix de vente.
Le charbon "a joué un rôle décisif, car l'indice PPI prend lourdement en compte les coûts industriels", explique M. Evans-Pritchard.
Les prix à la production de l'acier et des métaux industriels ont, eux, respectivement grimpé de 22% et 13%.
Les efforts redoublés de Pékin pour réduire les surcapacités industrielles, en particulier dans le charbon et la sidérurgie, "ont conduit à restreindre l'offre des matériaux disponibles et à accentuer les monopoles existants", gonflant les cours, décrypte Yang Zhao.
D'un autre côté, ajoute-t-il, "la rapide dépréciation du yuan (au plus bas depuis huit ans face au dollar) renchérit les matières premières importées et tire dans leur sillage les prix des matières premières chinoises".
- Spéculation -
Certes, le récent boom des chantiers immobiliers, ainsi que le gonflement des dépenses publiques dans les infrastructures, ont pu contribuer à conforter la remontée des prix industriels en assurant une demande accrue de matériaux et produits manufacturés.
Des assouplissements monétaires répétés depuis 2014 ont par ailleurs provoqué une embardée du crédit, des fonds qui sont venus alimenter une bulle spéculative dans certaines matières premières et surtout dans l'immobilier: un autre facteur d'inflation.
Mais ce surcroît de demande pourrait ne pas perdurer, à l'heure où les régulateurs cherchent à juguler la fièvre immobilière et les errements des marchés financiers.
Surtout, la conjoncture chinoise pourrait ne pas nécessairement profiter du retour à l'inflation ordinaire, avec, selon Capital Economics, un PPI grimpant de 5% l'an prochain.
"Cela va pénaliser la rentabilité des producteurs en bas de la chaîne industrielle", qui pâtiront sévèrement des matériaux plus chers, et cela "pourrait même conduire à ralentir encore davantage la production industrielle", avertit Yang Zhao.
"La +re-flation+ devrait s'essouffler l'an prochain, à mesure que l'économie chinoise commencera à ralentir à nouveau", abonde Julian Evans-Pritchard.