Dans à un environnement assombri par les pressions déflationnistes en zone euro et les tensions géopolitiques, la dette allemande a bénéficié à plein de son statut de valeur refuge, inscrivant mardi un record historique.
Vers 10H00 (08H00 GMT), le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne ou Bund, qui sert de référence à l'ensemble du marché obligataire, a ainsi atteint un point bas de 1,119%, dépassant son précédent record de juin 2012 (1,127%).
Sur le marché de la dette, les taux évoluent en sens inverse de la demande, c'est-à-dire que plus les dettes sont recherchées, plus leur taux baisse, offrant ainsi aux États des conditions de financements de plus en plus attractives. Les investisseurs acceptent pour leur part une rémunération moindre en échange de la sécurité de leur placement.
Les nombreuses perturbations géopolitiques actuelles, en particulier en Ukraine après le crash de l'avion de ligne de la Malaysia Airlines, ont largement favorisé le repli des investisseurs vers le marché obligataire ces dernières semaines.
L'Allemagne n'a d'ailleurs pas été la seule à bénéficier de ce mouvement, la détente ayant été marquée pour la plupart des grandes économies de la zone qui ont déjà plusieurs fois amélioré leurs records récemment.
Dans le sillage de l'Allemagne, le taux d'emprunt à dix ans de la France a d'ailleurs amélioré de nouveau le sien, à 1,511%, tout comme l'Espagne à 2,463% et l'Italie à 2,634%.
A 12H30 (10H30 GMT), le taux allemand évoluait à 1,120% contre 1,148% la veille sur le marché secondaire où s'échange la dette déjà émise. Celui de la France s'établissait à 1,513% (contre 1,543%), celui de l'Italie à 2,635% (contre 2,674%) et celui de l'Espagne à 2,464% (contre 2,494%)
Le niveau extrêmement bas du Bund en faisait logiquement l'un des records les plus difficiles à atteindre.
"C'était le plus dur à atteindre, car ses niveaux de valorisation sont tout sauf attractifs", résume Cyril Regnat, un stratégiste obligataire de Natixis.
Cependant, ce contexte n'explique pas à lui seul, cette baisse quasiment continu des taux d'emprunts en zone euro.
- 'Proche d'un point de retournement' -
"Le contexte géopolitique ne favorise pas la prise de risque" mais "les volumes d'échanges sont extrêmement faibles, donc il suffit de peu de choses pour que ça bouge", souligne en préambule Patrick Jacq, un stratégiste obligataire de BNP Paribas.
Outre "la fébrilité des marchés actions en pleine saison des résultats", "il y a également des facteurs fondamentaux qui favorisent le marché obligataire", poursuit-il.
"La perspective du lancement" par la Banque centrale européenne (BCE) en septembre et décembre deux prêts ciblés de quatre ans aux banques de la zone euro, baptisés TLTRO, "maintient des bonnes conditions de liquidités" et "favorise également le financement de positions sur des maturités plus longues", complète-t-il.
Par ailleurs "la situation inflationniste n'est pas favorable à une remontée des taux" en zone euro, estime-t-il en soulignant que les investisseurs "attendent des statistiques en la matière demain avec le risque de nouvelles pressions déflationnistes".
"L'actualité géopolitique est assez dense, mais le niveau d'aversion au risque n'est pas extrême non plus", observe M. Regnat qui insiste également sur la faiblesse des flux en période estivale.
Selon lui, "d'un point de vue macroéconomique aujourd'hui, mis à part le niveau de l'inflation, il n'y a pas d'élément qui justifient un Bund aussi bas, (ce sont) plus les actions de la BCE qui le justifient" et notamment la perspective du TLTRO.
"Certes le Bund est très bas, mais il végète depuis un bon moment sur cette tendance", développe-t-il. Pour le stratégiste, le marché est même "plus proche d'un point de retournement qu'au milieu d'une tendance", car "les fondamentaux macroéconomiques plaident plutôt en faveur de rendements obligataires supérieurs en seconde partie d'année".
Comme le notent les deux experts, la détente des taux pourraient être freinée dès la fin de cette semaine, avec l'importante série de publications statistiques attendue aux États-Unis et l'issue de la réunion de la Réserve fédérale américaine, qui, en confirmant la reprise de l'économie américaine, rendrait les dettes moins attractives.