La Banque centrale européenne (BCE) va maintenir sa politique monétaire ultra-accommodante cette semaine mais devra convaincre du bien-fondé de ses aides à l'économie au moment où le ciel s'éclaircit en zone euro, estiment des analystes.
Le conseil des gouverneurs de l'institution, auquel siègent six directeurs et les 19 gouverneurs des banques centrales nationales de la région, tiendra jeudi sa politique régulière de politique monétaire, suivie d'une conférence de presse de son président Mario Draghi.
"Malgré une légère amélioration des perspectives (...) la BCE va rester en pilotage automatique cette semaine", estime Carsten Brzeski, économiste chez ING (AS:INGA), qui n'attend aucune annonce nouvelle à l'issue de cette réunion.
Début décembre, la banque centrale avait décidé d'étendre le "QE", le vaste programme de rachat de dettes publiques et privées qu'elle mène depuis 2015 pour dynamiser l'économie et l'inflation.
En cause, une remontée des prix en zone euro jugée alors insuffisante et un "haut niveau d'incertitudes" lié à l'environnement politique mondial. Les banquiers centraux s'était notamment inquiété des conséquences encore incalculables du Brexit et de l'élection du nouveau président américain Donald Trump, apôtre du protectionnisme.
Mais depuis, plusieurs statistiques ont fait état d'une nette embellie de l'activité en zone euro, au point que plusieurs voix - principalement en Allemagne - ont appelé la banque centrale à restreindre ses aides à l'économie.
Parmi ces appels, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a récemment plaidé pour une réduction de la voilure dès cette année.
- Casse-tête de l'inflation -
L'institution monétaire de Francfort multiplie les efforts depuis plus de deux ans tirer l'économie européenne de l'ornière.
Outre des taux directeurs au plus bas et des prêts géants gratuits pour les banques, elle a promis de racheter 80 milliards d'euros de dettes tous les mois jusque fin mars, puis 60 milliards chaque mois à partir d'avril jusqu'à la fin de l'année.
La BCE, qui vise une inflation légèrement inférieure à 2%, peut se targuer d'une bonne nouvelle: les prix à la consommation en zone euro ont bondi de 1,1% sur un an en décembre, après +0,6% en novembre, et devraient grimper encore plus fortement ces prochains mois, anticipent les analystes.
Problème, cette progression est largement due à la seule remontée des prix du pétrole et masque de profondes disparités en zone euro: si l'inflation a progressé à 1,7% en décembre en Allemagne, elle n'a en revanche montré aucune vigueur en Grèce ou en Italie.
Une situation qui menace de virer au casse-tête pour la banque centrale.
- Risques politiques -
M. Draghi va devoir "user de beaucoup de pédagogie pour justifier la poursuite de sa politique monétaire très expansive alors que l'inflation remonte", pointe Sylvain Broyer, de Natixis.
"La question qui va se poser, c'est +comment sortir d'une telle politique quand certaines régions n'en ont plus besoin, certaines en ont encore besoin mais moins qu'avant, et d'autres ne décollent toujours pas économiquement ?+", ajoute M. Broyer.
La BCE "va probablement insister sur le fait que la reprise économique est menacée sans le soutien de la politique monétaire", souligne Michael Schubert, de Commerzbank (DE:CBKG).
La banque centrale veut notamment éviter qu'une réduction prématurée de son programme de soutien ne provoque des turbulences sur les marchés financiers et ne vienne gripper la reprise en zone euro, au moment où plusieurs échéances électorales clés sont attendues en France, aux Pays-Bas, Allemagne et probablement en Italie.
"Toutefois, si les indicateurs continuent à s'améliorer, les appels vont se faire plus pressants" pour que la BCE amende sa politique, explique à l'AFP Ben May, chez Oxford Economics.
En Allemagne notamment, où le parti anti-euro AfD va de succès en succès depuis plus d'un an dans les élections régionales, les très faibles taux d'intérêt pratiqués par la BCE alimentent depuis des mois la colère des épargnants qui s'affolent de voir leurs placements rapporter de moins en moins.
La BCE pourrait signaler jeudi qu'elle est "prête à en faire plus si les risques politiques se cristallisent, mais elle approche des limites de son action" et une réduction de ses aides à l'économie est probable en 2018, juge Jennifer McKeown, de Capital Economics.