Après plusieurs années de sous-investissement et quelques incidents inquiétants, EDF a lancé il y a deux ans un vaste plan de rénovation de ses 640 barrages et 447 centrales hydrauliques, pour s'assurer de la sécurité d'un patrimoine hydraulique très rentable.
Le 29 janvier 2006, une vanne du barrage de Tuilières tombe dans la Dordogne sur les coups de 3H00 du matin: un trou béant laisse échapper 5 millions de m3 d'eau en quelques minutes. Du fait de l'heure tardive, aucune victime ni dégât matériel n'est à déplorer. Mais l'incident, avec d'autres du même ordre, sert de mise en garde à EDF.
"C'est vrai qu'on avait une politique de maintenance a minima" dans les années précédant cet incident, reconnaît Jean-François Astolfi, directeur de la production et de l'ingénierie hydraulique d'EDF. "Le parc hydraulique avait ronronné pendant plusieurs années parce qu'on était en période de surabondance d'électricité", explique-t-il.
En février 2007, la publication par le magazine Capital d'un document interne d'EDF met le problème sur la place publique provoquant une vive polémique. Cet état des lieux évoque des "vannes dans un état de corrosion avancé", de "fissuration" et même de "risque d'effondrement" de certains ouvrages. Un rapport parlementaire est alors diligenté par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
Après plusieurs mois d'enquête sur le terrain, le député (UMP) Christian Kert dresse un constat moins alarmiste, mettant essentiellement en garde contre la sécurité des petits barrages, propriété des collectivités locales ou de particuliers.
"Les grands barrages hydroélectriques français posent moins de problèmes cruciaux et immédiats qu'il n'y paraissait en première analyse", conclut-il.
Entre-temps, un décret, paru en décembre 2007, a nettement renforcé la réglementation sur la sécurité des barrages hydrauliques. Et EDF a lancé son programme "Super Hydrau" (Sûreté et Performance de l'hydraulique), doté de 560 millions d'euros sur 5 ans (2007-2011).
Ce plan doit presque doubler les dépenses de maintenance d'EDF, afin de rattraper le retard d'investissements de la décennie précédente. L'effort est particulièrement axé sur le renouvellement des vannes, conduites et autres composants sujets au vieillissement.
"Il n'y avait strictement aucun risque sur tous nos grands barrages et quelques préoccupations sur des petits barrages, qui comportent énormément d'éléments métalliques", explique M. Astolfi.
Parmi les grands barrages les plus sensibles, celui du Chambon, dans l'Isère, qui gonfle sous l'effet de la maladie du béton, fait l'objet d'une surveillance minutieuse. EDF l'a truffé d'instruments de mesure et d'auscultation.
Selon Christian Kert, il faut à l'avenir s'assurer qu'EDF maintiendra un suivi de ses barrages et "une maintenance ne nécessitant plus un nouveau plan +SuPer Hydrau+". Mais une catastrophe du type de celle du barrage de Malpasset, dont la rupture avait fait 423 morts en 1959, "semble, heureusement, éloignée", écrit-il.
"Nos barrages sont bien conçus dans l'ensemble, étroitement surveillés, analysés de façon très fine", assure lui aussi Jean-François Astolfi.
L'argument économique est en outre là pour convaincre EDF de soigner son patrimoine hydraulique, de plus en plus convoité du fait des besoins accrus d'électricité.
"Ce n'est pas seulement la sécurité publique qui est en cause, c'est aussi la production d'électricité, et donc les bénéfices d'EDF", explique un expert du secteur. "Et l'hydraulique, c'est ce qu'il y a de plus rentable".