par Alexandre Boksenbaum-Granier
PARIS (Reuters) - Les résultats publiés par les entreprises européennes s'avèrent plutôt décevants au deuxième trimestre mais l'optimisme demeure pour l'ensemble de 2014, plusieurs facteurs devant soutenir les sociétés de la région en deuxième partie d'année, dont la baisse de l'euro, estiment gérants et analystes interrogés par Reuters.
Selon une étude publiée la semaine dernière par Thomson Reuters, 48% des entreprises de l'indice Stoxx 600 ont fait état de chiffres meilleurs qu'attendu en termes de bénéfices, un niveau comparable aux trimestres précédents. Ce chiffre est le même pour les chiffres d'affaires mais est inférieur de 5 points à la situation habituelle (53%).
"C'est un bilan assez décevant et cette saison des résultats reflète la situation macroéconomique de la zone euro que personne n'avait vu aussi morose", résume Joffrey Ouafqa, gérant chez Convictions AM.
"La saison est d'autant plus décevante en Europe que les publications ont été bonnes aux Etats-Unis. On ne s'attendait pas à une telle différence de qualité en termes de résultats entre les deux zones. Beaucoup d'investisseurs avaient acheté un projet de croissance en Europe qui ne se matérialise pas."
L'économie de la zone euro a connu au deuxième trimestre un coup d'arrêt inattendu.
Illustrant ces difficultés économiques, ce sont davantage les valeurs cycliques qui ont déçu les attentes. Les sociétés industrielles ou encore les groupes liés aux matériaux de base affichent ainsi respectivement 51% et 70% de résultats moins bons qu'attendu.
"RETOUR À LA RÉALITÉ"
"Il y a eu un retour à la réalité cet été", constate Frédéric Jamet, directeur de la gestion chez State Street Global Advisors France.
"En début d'année, on pariait sur l'Europe et la zone euro avec une croissance des bénéfices par action de 10% à 15% en 2014 compte tenu du léger redémarrage de la croissance en zone euro et des mesures de la BCE. Notre nouvelle estimation est plutôt autour de 5% après le premier semestre", souligne-t-il.
D'autres analystes ont revu à la baisse leurs attentes de résultats pour cette année, avec une croissance désormais attendue autour de 5,4% pour 2014 contre +11,8% visés en février, montrent les données compilées par Datastream.
"La vraie question est de savoir si l'on va rester jusqu'en fin d'année dans la zone des 5-10% de croissance des bénéfices ou si cela va s'effondrer", s'interroge Frédéric Jamet.
Si les investisseurs se montrent plus prudents qu'avant l'été, ils ne sombrent pas pour autant dans le pessimisme. Ce que constate également Deutsche Bank dans une note sur les résultats d'entreprises, soulignant une révision à la baisse marginale des attentes d'analystes entre mi-juillet et mi-août.
Pour le broker, cela résulte de la solidité des entreprises dans un environnement marqué par les inquiétudes concernant la croissance économique et les risques géopolitiques.
"Nous sommes optimistes sans être pour autant d'un optimisme béat au regard de la croissance molle en zone euro (...) Les managements restent dans l'ensemble plutôt prudents mais leurs discours ont globalement été rassurants", observe Thomas Dhainaut, gérant chez Sycomore AM.
"LES CONFLITS ONT UN EFFET TEMPORAIRE"
"Les profit warnings qui ont été annoncés ont pollué la vision d'ensemble, mais ces avertissements correspondent à des cas spécifiques qui ne permettent pas de tirer des conclusions sectorielles ou plus générales", ajoute le gérant.
Plusieurs facteurs nourrissent l'optimisme des investisseurs : le décalage habituel de trois à six mois des effets en Europe de la croissance américaine (+4,2% d'avril à juin), la baisse de l'euro face au dollar qui devrait soutenir les exportations européennes, et la baisse des cours du pétrole qui devrait réduire les coûts des sociétés.
En outre, la Banque centrale européenne a annoncé début juin un ensemble de mesures destinées à lutter contre la faiblesse de l'inflation, à relancer le crédit et à soutenir la reprise au sein de la zone euro. Et son président Mario Draghi a indiqué vendredi dernier que la BCE se tenait prête à de nouveaux ajustements de sa politique monétaire.
La situation en Ukraine, où les tensions avec la Russie se sont accrues ces dernières semaines, n'inquiète pas les gérants et les analystes, qui reconnaissent néanmoins qu'en cas d'aggravation les conséquences pourraient être lourdes pour les entreprises.
"Les conflits créent de l'incertitude sur le moment mais le marché et les entrepreneurs arrivent à vivre avec. Les conflits, s'ils ne s'aggravent pas, ont un effet temporaire et après trois mois les marchés passent à autre chose en général, comme ont pu le montrer les épisodes libyen et syrien", rappelle Joffrey Ouafqa.
(Edité par Dominique Rodriguez)