par Ritsuko Ando
TOKYO (Reuters) - Toshiba a gonflé artificiellement son bénéfice d'exploitation de 151,8 milliards de yens (1,13 milliard d'euros) sur plusieurs années par le biais d'irrégularités comptables au vu et au su de sa direction, constate un comité indépendant.
Le rapport de ce comité publié lundi risque de provoquer une reformulation des comptes, une refonte de la direction et pourrait aussi déboucher sur de lourdes amendes.
Le directeur général Hisao Tanaka et son prédécesseur, le vice-président Norio Sasaki, étaient au courant de cette surévaluation des bénéfices et des retards dans la comptabilisation des pertes conformément à une culture d'entreprise qui "évitait de s'opposer aux souhaits des supérieurs", explique le comité, dans un résumé transmis par le conglomérat à la Bourse de Tokyo.
"De ce fait, lorsque la direction présentait des 'challenges', les présidents de division, les managers et le personnel n'ont cessé d'exercer des pratiques comptables irrégulières pour remplir les objectifs conformément aux souhaits de leurs supérieurs".
Des sources ont dit que Tanaka et Sasaki démissionneraient dans les mois qui viennent et que le conseil d'administration serait en grande partie renouvelé lors d'une assemblée générale prévue en septembre.
D'autres sources avaient précédemment déclaré que l'une des théories des enquêteurs était que les dirigeants, inquiets de l'impact de la catastrophe de Fukushima de mars 2011 sur le segment nucléaire, avaient fixé des objectifs irréalisables aux nouvelles opérations comme les compteurs intelligents et les portiques de péage électronique.
Le rapport ne mentionne pas Fukushima mais il observe que les pressions étaient particulièrement fortes durant les exercices budgétaires 2011 et 2012.
La comptabilité irrégulière se caractérisait par la surévaluation des profits ou leur comptabilisation anticipée, le report comptable des pertes et des charges, autant de procédés qui aboutissaient à fixer aux divisions des objectifs encore plus élevés pour la période suivante.
"Il fallait alors fausser la comptabilité à une échelle encore plus grande et comme cela se répétait, l'ampleur de cette comptabilité irrégulière allait elle aussi en s'intensifiant", notent les rapporteurs.
Le rapport précise que cette comptabilité irrégulière, qui remonte à l'exercice fiscal 2008, était intentionnelle et aurait été difficilement discernable pour les commissaires aux comptes.
Cette enquête intervient alors que le Premier ministre Shinzo Abe entend précisément améliorer la gouvernance des entreprises pour attirer davantage d'investisseurs étrangers.
Le scandale Toshiba est le plus important survenu au Japon depuis celui de l'équipementier médical et fabricant d'appareils photo Olympus (TOKYO:7733). Ce dernier avait dissimulé 1,7 milliard de dollars de pertes étalées sur 13 ans avant que l'affaire ne soit exposée au grand jour en 2011.
Ce dossier ébranle par ailleurs l'un des fleurons de l'industrie japonaise. Toshiba reste la dixième entreprise japonaise par l'actif et la capitalisation en dépit d'une chute de 26% de son action depuis que l'affaire s'est ébruitée début avril.
Toshiba n'a pu clôturer ses comptes annuels en raison des investigations et n'a pu non plus verser de dividende annuel.
Il est "pratiquement assuré" que les actions Toshiba feront l'objet d'une surveillance spéciale, selon une source boursière, qui doute par ailleurs qu'elles soient rayées de la cote.
Elle ajoute que la Bourse envisage une amende pour rupture de contrat qui serait de l'ordre de 91 millions de yens sur la base de la capitalisation de Toshiba.
D'autres sources avaient déclaré la semaine passée que Toshiba anticipaient 300 à 400 milliards de yens de charges, incluant les profits surévalués et diverses dépréciations.
Sumitomo Mitsui Banking Corp, principale banque de Toshiba, a fait savoir qu'elle continuerait de soutenir le conglomérat.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)