par Gilbert Reilhac
STRASBOURG (Reuters) - La démocrate-chrétienne allemande Ursula von der Leyen a été élue mardi présidente de la Commission par le Parlement européen à une courte majorité, par 383 voix contre 327, après avoir donné des gages à la gauche pour obtenir son soutien.
Elle devait en obtenir 374, soit la majorité des 747 membres actuellement élus à Strasbourg.
Son prédécesseur, Jean-Claude Juncker, issu comme elle du Parti populaire européen (PPE, conservateur), le groupe le plus important du Parlement, avait recueilli 422 voix sur les 376 nécessaires en juillet 2014.
Actuelle ministre de la Défense d'Angela Merkel, Ursula von der Leyen est née à Bruxelles il y a soixante ans alors que son père, Ernst Albrecht, travaillait à la Commission européenne. Elle devient la première femme à en assumer la présidence.
Sa candidature, fruit d’un compromis franco-allemand, avait été fraîchement accueillie par le Parlement, vexé que les candidats proposés par ses principaux groupes politiques aient été écartés par les chefs d’Etat et de gouvernement.
Le PPE et Renaissance, le groupe centriste où siège La République en marche, l’ont toutefois assurée de leur soutien. Le groupe des sociaux-démocrates, plus divisé, s’est in fine prononcé en sa faveur par une majorité des deux tiers, au vu de l’inflexion donnée par la candidate à son programme.
La délégation française est de celles qui ont voté contre sa nomination, aux côtés des Verts, de la gauche radicale et de l’extrême droite.
Mère de sept enfants et médecin de profession, Ursula von der Leyen est néanmoins créditée d’une fibre sociale et d’une approche libérale sur les sujets de société.
GAGES SUR LE SOCIAL ET L'ECOLOGIE
Dans un discours devant le Parlement, mardi matin, elle s’est efforcée de donner des gages à la gauche et aux écologistes sur l’Europe sociale et la lutte contre le réchauffement climatique.
Elle s’est engagée à ce que l’UE devienne "le premier continent neutre sur le plan climatique à l’horizon 2050" et à fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre "de 50, voire 55% d’ici 2030" au lieu des 40% actuellement prévus.
Pour soutenir les investissements nécessaires, elle a proposé la transformation d’une partie de la Banque européenne d’investissement en "banque du climat" dotée d’une capacité d’investissement d’un milliard d’euros sur les dix prochaines d’années, une proposition d'Emmanuel Macron dans la campagne.
Elle s’est prononcée pour la création d’un "fonds de transition destiné à soutenir ceux qui sont le plus touchés" par les mesures en faveur du climat et pour une taxe carbone aux frontières, serpent de mer que ses partisans, dont les présidents français successifs depuis Nicolas Sarkozy, n’ont jamais réussi à imposer à leurs partenaires.
La chrétienne-démocrate, qui a rappelé qu’elle avait été ministre des Affaires familiales avant de s’occuper des Armées, s’est engagée à défendre "la dimension sociale" de l’UE comme corollaire de l’économie de marché.
Elle s’est prononcée pour un salaire minimum dans tous les pays de l’UE et pour un "fonds de réassurance chômage" destiné à soutenir les économies des pays touchés par un "choc extérieur".
RESPECT DE L'ETAT DE DROIT
Elle s’est efforcée de rassurer les sociaux-démocrates, amers d’avoir vu leur candidat à la tête de la Commission, le Néerlandais Frans Timmermans, en être écarté du fait de l’opposition des gouvernements hongrois et polonais dont il avait combattu les écarts vis-à-vis des règles démocratiques.
"On se saurait transiger lorsqu’il est question de respecter l’Etat de droit", a-t-elle dit en promettant l’instauration d’un mécanisme de contrôle supplémentaire du respect des règles.
Sur la question hautement inflammable de l’immigration, elle s’est engagée à "réduire les migrations irrégulières, lutter contre les passeurs, améliorer le droit d’asile et aider les réfugiés", tout en appelant à plus de "solidarité avec les pays les plus exposés", à savoir ceux du bassin méditerranéen.
Ursula von der Leyen a également confirmé sa promesse d’améliorer le système des "Spitzenkandidaten", par lequel le groupe politique arrivé en tête des élections européennes place à la présidence de la Commission le candidat désigné par avance.
Elle a promis d’organiser dès 2020, comme le souhaitait Emmanuel Macron, une "conférence pour l’avenir de l’Europe" destinée à relancer le projet européen avec les citoyens.
Sociaux-démocrates et Renaissance ont obtenu que Frans Timmermans pour les premiers et la Danoise Margrethe Vestager, qui était la candidate des seconds pour la présidence de la Commission, en deviennent les deux vice-présidents exécutifs.
Le collège de 28 commissaires (dont elle-même, soit un par Etat membre) qu’elle va devoir constituer, sur la base des candidats proposés par les Etats, fera l’objet d’un second vote du Parlement, à l’automne, après que les eurodéputés auront auditionné chacun des postulants.
(Edité par Yves Clarisse)