Heure de Londres ou de Bruxelles? Les députés britanniques ont repris mardi l'examen du projet de loi gouvernemental abrogeant le droit européen avec un débat enflammé sur la date et l'heure auxquelles le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne.
Ce texte qui doit permettre au pays de continuer à fonctionner normalement lorsqu'il aura coupé le cordon avec l'Union européenne, fin mars 2019, avait été approuvé par un premier vote au Parlement en septembre.
Mais son examen détaillé a pris du retard, que l'exécutif a justifié par la nécessité de prendre le temps d'étudier les près de 500 amendements déposés.
Le gouvernement risque une potentielle défaite sur certains amendements-clés, si des rebelles du Parti conservateur font alliance avec des députés du Labour, le principal parti d'opposition. La Première ministre Theresa May ne dispose en effet que d'une courte majorité à la chambre des Communes, grâce à son alliance avec le DUP nord-irlandais.
Lors de son point presse quotidien, le porte-parole de l'exécutif a souligné qu'il était dans l'intérêt "de tous" de ne pas faire dérailler le texte pour que le Brexit puisse se dérouler "sans encombre".
Signe des difficultés à venir, les députés se sont écharpés mardi sur la date du Brexit, que le gouvernement veut voir intervenir le 29 mars 2019 à 23H00 GMT, soit minuit heure de Bruxelles, au grand dam de certains parlementaires.
Le député travailliste Frank Field a donc déposé un amendement repoussant le Brexit au 30 mars, pour qu'il ait lieu après minuit, heure de Londres.
"Mon amendement permettra de décider de notre départ en fonction de l'heure britannique, tandis que (celui du gouvernement) est là pour faire plaisir aux Européens", a-t-il lancé.
Certains parlementaires conservateurs sont allés plus loin en rejetant l'idée même de fixer une date par avance, arguant que si les négociations avec Bruxelles se passaient mal il sera compliqué de poursuivre éventuellement les discussions.
Ajoutant sa voix aux critiques, la Première ministre d’Écosse Nicola Sturgeon, chef des 35 députés indépendantistes du SNP, a jugé que le projet de loi n'était "pas acceptable en l'état", à l'issue d'une rencontre à Downing Street avec Theresa May.
- 50/50 -
Cette bataille parlementaire intervient au moment où Theresa May, affaiblie par les élections législatives de juin, peine à affirmer son autorité au sein même de son gouvernement.
Deux ministres ont dû démissionner ces dernières semaines, l'un touché par un scandale de harcèlement sexuel, l'autre accusée de mener une diplomatie parallèle avec Israël. Et le gouvernement se déchire ouvertement, entre "Brexiters" prêts à une rupture nette avec l'UE et partisans d'une approche plus accommodante.
Mme May doit aussi faire face à l'impatience de Bruxelles alors que les négociations n'ont que peu ou pas du tout progressé sur les termes du divorce.
Le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, a donné deux semaines aux Britanniques pour clarifier leurs engagements, s'ils veulent obtenir d'ici à la fin de l'année le feu vert en vue de l'ouverture des négociations commerciales sur l'après-Brexit. Un ultimatum que Mme May semble vouloir ignorer, son porte-parole soulignant qu'elle travaillait "dans la perspective" du sommet européen des 14 et 15 décembre.
Redoutée par les entreprises, une absence d'accord de sortie pourrait avoir, sur le plan douanier, des conséquences "catastrophiques", a mis en garde un rapport parlementaire publié mardi.
"J'ai demandé au (ministre du Brexit David) Davis s'il pensait qu'un accord était possible" d'ici le sommet européen, a déclaré à Bloomberg Emma Marcegaglia, la présidente de Business Europe, l'association du patronat européen. "Il m'a dit que c'était du 50/50". Des propos démentis par les services du ministre.
Dans la bataille parlementaire, un nouvel accrochage devrait avoir lieu mardi, lorsque le Parti travailliste cherchera à faire voter un amendement qui prolongerait l'appartenance du Royaume-Uni au marché unique et à l'union douanière et la compétence de la Cour européenne de justice, lors de la période de transition.
Celle-ci débuterait après la sortie du pays de l'UE pour une durée d'environ deux ans. Mais le gouvernement a insisté sur le fait que le Royaume-Uni serait totalement hors de l'UE dès sa sortie.