Après une dégringolade spectaculaire, les prix de l'or noir vont se redresser ces prochaines années, mais sans atteindre de nouveaux sommets car leur faiblesse ne suffit plus à dynamiser la croissance économique ou freiner l'essor du pétrole de schiste aux Etats-Unis, prédit l'Agence internationale de l'énergie.
Le baril devrait atteindre 55 dollars cette année et remonter jusqu'à 73 dollars en 2020, indique le bras énergétique des pays développés dans son rapport sur le marché pétrolier à moyen terme publié mardi.
L'AIE y parle d'un "nouveau chapitre" pour le marché pétrolier: celui-ci est "transformé, avec une offre plus réactive aux prix que dans le passé, et une demande qui l'est moins".
En conséquence, "le rééquilibrage du marché devrait intervenir relativement rapidement mais sa portée sera relativement limitée, avec des prix se stabilisant à des niveaux plus élevés que les points bas observés récemment (sous les 50 USD, NDLR), mais nettement inférieurs aux sommets de ces trois dernières années", écrit-t-elle.
Les cours du brut ont amorcé un rebond ces derniers jours, après une chute de 60% depuis juin dernier sous l'effet conjugué d'une demande atone et d'une offre surabondante alimentée notamment par la production de pétrole de schiste outre-Atlantique.
Le marché mise désormais sur une baisse de production à moyen terme, résultat des coupes opérées par les compagnies pétrolières dans les investissements pour faire face à la faiblesse des prix qui rognent la rentabilité des projets.
- Peu d'effet sur la croissance -
Au cours des six prochaines années, la demande devrait croître plus rapidement que l'offre, ce qui explique le redressement des prix, mais la consommation sera moins forte qu'anticipée auparavant, dans un contexte économique qui restera peu dynamique.
Elle devrait croître en moyenne de 1,1 million de barils par jour (mbj) pour atteindre 99,1 mbj en 2020, contre 92,4 mbj en 2014.
"La récente baisse des prix ne devrait avoir qu'un impact marginal sur la croissance de la demande mondiale pour le reste de la décennie", estime l'AIE.
En janvier, le FMI a abaissé ses prévisions de croissance, jugeant justement que la chute des prix du pétrole ne suffirait pas à soutenir durablement l'économie mondiale.
Faisant à peine mieux qu'en 2014, le produit intérieur brut mondial (PIB) ne devrait plus progresser que de 3,5% en 2015 et de 3,7% en 2016, marquant dans les deux cas un repli de 0,3 point par rapport aux projections d'octobre.
En cause aussi de cette soif d'or noir modérée, des bouquets énergétiques qui font la part un peu moins belle au pétrole, notamment dans la production d’électricité et les transports, au profit du gaz, du charbon de l'atome ou de sources d'énergie renouvelables.
- Ca swingue aux USA -
Dans le même temps, la hausse de la production va marquer le pas: l'offre devrait augmenter chaque année de 860.000 barils par jour, bien en deçà à la croissance de 1,8 mbj de 2014.
Deux tiers de cette hausse proviendra des pays non membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep): leur production atteindra 60 mbj en 2020, contre 56,6 l'an dernier.
Elle bénéficiera notamment du redémarrage, dès 2017, de la production très "élastique" du pétrole de schiste outre-Atlantique, où elle devrait s'élever à 5,2 mbj en 2020, contre 3,6 mbj l'an dernier.
Les Etats-Unis pourraient ainsi endosser le rôle de +swing producer+, à savoir celui de garantir la stabilité des prix en ajustant la production. Cette fonction est habituellement dévolue à l'Opep, mais le cartel a décidé à l'automne dernier de laisser jouer le marché, avec la volonté, selon certains analystes, de préserver ses parts de marché en évinçant les producteurs américains.
"La décision de l'Opep de laisser le marché s'équilibrer .... pourrait effectivement avoir fait du pétrole de schiste le nouveau swing producer, mais il ne l'écartera pas du marché. Le pétrole de schiste pourrait même en sortir renforcé", souligne la directrice exécutive de l'AIE, Maria van der Hoeven, citée dans un communiqué.
La Russie devrait en revanche souffrir de la faiblesse des cours, des sanctions internationales et de la chute du rouble. Sa production passerait de 10,9 à 10,4 mbj.
Celle de l'Opep, qui pompe environ un tiers du pétrole mondial, devrait quant à elle croître de 200.000 barils par jour seulement, à 32,1 mbj, surtout grâce à l'Irak où le risque d'instabilité politique demeure toutefois élevé.