par Pascale Denis et Dominique Vidalon
PARIS (Reuters) - Lidl, qui gagne d'importantes parts de marché en France, s'apprête à signer des accords tripartites avec des éleveurs et des industriels afin de garantir les revenus des producteurs frappés de plein fouet par la baisse des prix.
"Nous allons signer un accord avec 150 éleveurs de porc de l'ouest de la France et un industriel", a déclaré mardi à Reuters Michel Biéro, cogérant de la filiale française du distributeur discount allemand.
Les éleveurs seront assurés pendant six mois d'un prix au kilo, quelle que soit l'évolution des cours du marché au cadran. Des contrats annuels devraient être signés par la suite.
Lidl discute d'autres accords avec des éleveurs de porc du nord et du sud-ouest, ainsi qu'un accord quadripartite avec des éleveurs de boeuf et une chaîne de restauration, a-t-il ajouté.
Le distributeur Intermarché s'est lui aussi engagé à garantir un prix d'achat aux éleveurs de porc, indexé sur le coût de l'alimentation animale (soja et blé).
En pleine crise agricole, François Hollande a évoqué la nécessité de revoir la LME (loi de modernisation de l'économie) de 2008, estimant qu'il s'agissait d'une loi "en faveur de la distribution et contre les producteurs".
En libéralisant les négociations tarifaires entre distributeurs et industriels, la LME a nourri la concurrence entre les enseignes et enclenché des baisses massives de prix, favorables au pouvoir d'achat des consommateurs mais redoutables en bout de chaîne pour les éleveurs et les producteurs laitiers.
Pour leur part, les distributeurs, par la voix de leur fédération (FCD), se disent plus favorables à des accords interprofessionnels qu'à une nouvelle législation.
REVIREMENT STRATÉGIQUE
Lidl a engagé en 2012 un revirement stratégique majeur en France - où le hard discount est en perte de vitesse face à la concurrence des hypermarchés de Leclerc, Carrefour (PA:CARR), Casino ou Auchan - et récolte aujourd'hui les fruits d'une montée en gamme et d'une offensive publicitaire massive.
Tournant le dos au hard discount, le groupe a stoppé l'expansion de son réseau, misé sur la rénovation et l'agrandissement de ses 1.500 magasins, rendus plus attractifs et colorés, et sur l'amélioration de la qualité des produits vendus sous sa marque propre, qui constituent 90% de son offre.
"Nous voulons démontrer qu'une marque propre n'a rien à voir avec un premier prix", plaide le cogérant.
L'enseigne a aussi développé le rayon frais, les produits régionaux et les "points chauds" pour le pain et la viennoiserie.
Pour attirer une nouvelle clientèle, elle a même proposé lors de sa dernière foire aux vins des grands crus classés du bordelais ainsi que le prestigieux Château d'Yquem, propriété de Bernard Arnault, PDG de LVMH (PA:LVMH), et du financier belge Albert Frère.
Vendus sur internet, les flacons devaient être récupérés dans les magasins, afin de générer du trafic dans les magasins.
Lidl a accompagné son repositionnement par d'importants investissements publicitaires, ayant même recours à une égérie - une ancienne miss France - pour promouvoir sa marque de cosmétiques Cien et ses crèmes anti-rides à 2,99 euros.
DEUXIÈME ANNONCEUR DU SECTEUR
En 2015, Lidl a ainsi été le deuxième annonceur du secteur derrière Leclerc et devant Carrefour, avec des investissements bruts d'environ 300 millions d'euros, selon KantarMedia.
"Depuis octobre 2014, l'enseigne progresse de façon importante et ininterrompue", note Frédéric Valette, analyste chez KantarWorldPanel.
Sa part de marché a grimpé de 4,6% à l'automne 2014 à 5,1% en janvier 2016, selon les données de l'institut, pour un chiffre d'affaires estimé à plus de 8,5 milliards d'euros, contre 7,5 milliards en 2012.
Lidl pense renouer avec l'extension de son réseau dans deux ou trois ans, qui devrait avoisiner les 1.800 à 1.900 magasins, et se fixe pour objectif de parvenir à 8% de part de marché d'ici à 2020.
Selon les analystes de Morgan Stanley (N:MS), l'enseigne devrait tirer le renouveau du discount en France qui, estiment-ils, devrait renouer d'ici à 2020 avec les 15% de part de marché atteints en 2009, contre 11,5% l'an dernier.
Lidl devance Leader Price, propriété de Casino (4,6%), et un autre distributeur allemand, Aldi (2,2%).
Voir aussi :
* Fin de la "spirale à la baisse" des prix du lait-Le Foll
* L'UE enquête sur une possible entente dans l'élevage en France
(Edité par Dominique Rodriguez)