Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé se rend samedi à Abou Dhabi pour tenter in extremis de sauver le projet de vente de l'avion de combat français Rafale aux Emirats, que Paris estime lié au partenariat militaire conclu entre les deux pays.
Le chef de la diplomatie française est désormais chargé officiellement, et non le ministre de la Défense, de superviser le délicat dossier des 60 Rafale que le constructeur Dassault s'efforce de vendre aux Emirats arabes unis. L'avion, seulement utilisé par les armées françaises, n'a jusqu'ici pas trouvé preneur à l'étranger.
Trois jours après le coup de massue infligé à l'avionneur français par les Emirats qui ont jugé son offre commerciale pour le Rafale "non compétitive et irréalisable", M. Juppé effectue une visite inopinée à Abou Dhabi qui n'était pas inscrite à son agenda officiel.
"Moins on parle, mieux on se porte" mais "on y croit toujours", confiait-on jeudi à Paris.
Le Quai d'Orsay a annoncé que le ministre des Affaires étrangères s'était vu confier, à une date non précisée, "la mission de superviser le développement du partenariat stratégique majeur entre la France et les Emirats arabes unis qui comprend naturellement la discussion sur le projet Rafale".
Le ministère lie le dossier du Rafale à celui de la coopération militaire avec les Emirats, rappelant le fort engagement de la France en faveur de la sécurité de la région du Golfe qui s'est traduit par l'ouverture en 2009 d’un base française permanente à Abou Dhabi.
En inaugurant cette base en mai 2009, le président Nicolas Sarkozy affichait sa volonté de s'impliquer pour garantir la stabilité de cette zone stratégique, à moins de 250 km des côtes iraniennes. Il lui avait aussi attribué un rôle de vitrine commerciale des armements français dont l'armée émiratie est une fidèle cliente, avec en ligne de mire la vente des Rafale.
Les Emirats envisageaient alors "sérieusement" de remplacer leurs 60 Mirage 2000 par le plus moderne des avions de combat de Dassault.
Les Emirats, comme le Qatar, se sont engagés ces derniers mois dans l'opération conduite en Libye par l'Otan, sous l'impulsion de la France et de la Grande Bretagne. Ce sont les deux seuls pays arabes à avoir participé à cette intervention militaire qui a permis la chute du régime de Mouammar Kadhafi.
Concernant le Rafale, les négociations commerciales ont piétiné jusqu'au coup de théâtre, à l'ouverture dimanche du salon aéronautique de Dubaï.
Les Emirats ont alors annoncé qu'ils faisaient entrer en compétition le chasseur Eurofighter pour équiper leur force aérienne et demandé au consortium européen (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne) de leur faire une contre-proposition. Puis ils ont sollicité une offre de Boeing pour des F-15 et F-18.
Abou Dhabi a clairement fait porter la responsabilité de ces difficultés sur Dassault, qui a soumis des "conditions commerciales non compétitives et irréalisables" en dépit du "suivi personnel par le président Sarkozy" de cette négociation.
Le ministre français de la Défense Gérard Longuet qui avait estimé en octobre que la probabilité que les Emirats achètent le Rafale était "très, très forte", a persisté dimanche à se dire optimiste, évoquant la possibilité que le contrat soit conclu avant la fin de l'année.
"Plus les gens sont exigeants, plus ils sont intéressés. Ceux qui ont des paroles apaisantes ne sont pas des acheteurs possibles. L'acheteur possible, il est exigeant jusqu'au bout. C'est en tous les cas le voeu que je forme", a-t-il encore déclaré jeudi.
Le Rafale a essuyé des revers commerciaux dans plusieurs pays. Mais outre les Emirats, il reste en course pour être vendu en Inde et au Brésil.
En plus d'Abou Dhabi, Alain Juppé se rendra du 19 au 22 novembre en Arabie saoudite, au Qatar et enfin au Koweit. Cette tournée dans le Golfe suit une visite en Turquie, jeudi et vendredi.