par Arshad Mohammed et John Irish
NATIONS UNIES (Reuters) - Vladimir Poutine devrait appeler de ses voeux, lundi devant l'Assemblée générale des Nations unies, la création d'une coalition élargie en Syrie pour lutter contre les "terroristes" tout en soutenant le régime du président Bachar al Assad.
Ce discours, qui précédera un entretien bilatéral du président russe avec son homologue américain Barack Obama, symbolise la volonté de Moscou de prendre l'initiative en Syrie, où les Etats-Unis peinent à définir une nouvelle stratégie.
Dans ce contexte d'intenses tractations, la France a mené dimanche son premier raid en territoire syrien contre des "sanctuaires" du groupe djihadiste Etat islamique. "C'était important de frapper pour se mettre à la table des discussions", a déclaré une source diplomatique française.
François Hollande a déclaré que les forces engagées dans le premier raid aérien français en Syrie avaient "atteint leur objectif" en détruisant un camp d'entraînement dans l'est du pays. "D'autres frappes pourront avoir lieu dans les prochaines semaines", a ajouté le président français.
Paris explique intervenir "en légitime défense", en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations unies, contre les "sanctuaires de Daech d'où partent, d'où sont formés ceux qui s'en prennent à la France", selon les mots du Premier ministre Manuel Valls.
François Hollande, qui a rencontré pendant une demi-heure à New York son homologue iranien Hassan Rohani, a déclaré que l'Iran, l'autre grand allié de Damas avec Moscou, pourrait jouer un rôle de "facilitateur" pour un règlement politique du conflit qui a fait quelque 250.000 morts depuis 2011.
"PLATEFORME COMMUNE"
La Russie renforce depuis plusieurs semaines sa présence militaire en Syrie et insiste pour que le régime de Damas soit associé à la lutte contre l'organisation djihadiste menée par une coalition formée l'an dernier par les Etats-Unis, une demande jusqu'à présent rejetée par Washington.
"Nous souhaiterions avoir une plateforme commune pour une action collective contre les terroristes", a dit Vladimir Poutine dimanche dans une interview à CBS.
Evoquant la création d'un "cadre de coordination", le président russe a estimé que le seul moyen de régler le conflit syrien était de renforcer les structures de gouvernement "légitimes" et de les soutenir dans leur lutte contre le terrorisme.
"Il y a plus de 2.000 activistes en Syrie qui viennent de l'ancienne Union soviétique", a-t-il ajouté. "Au lieu d'attendre qu'ils reviennent dans leurs pays, nous devrions aider le président Assad à les combattre, en Syrie."
Vladimir Poutine a également assuré que son pays ne prévoyait pas, "en tout cas pas pour l'instant", de déployer des troupes au sol en Syrie (voir) et il a jugé illégal et inefficace le soutien apporté par Washington à certains rebelles anti-Assad. (voir).
A la veille du tête à tête entre Vladimir Poutine et Barack Obama, leur premier depuis 2013, le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'est entretenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov des moyens de réduire le conflit ("de-conflict") qui dure depuis quatre ans et demi dans ce pays et de la possibilité d'y assurer une transition politique.
LA FRANCE SUR DEUX FRONTS CONTRE L'EI
Hassan Rohani a quant à lui souligné que la première priorité de Téhéran en Syrie était la lutte contre l'EI et exclu dans cette perspective tout "affaiblissement" du régime de Bachar al Assad.
"Cela ne veut pas dire que le gouvernement syrien n'a pas besoin de se réformer (...). Bien sûr qu'il en a besoin", a dit le président iranien devant un parterre de chercheurs et de journalistes américains. Mais, a-t-il estimé, le retrait de Bachar al Assad transformerait la Syrie en havre pour les "terroristes".
Alors que les dirigeants allemand et britannique ont estimé récemment qu'il fallait prendre langue avec Bachar al Assad, ce dont les Russes se sont félicités, le président français a déclaré qu'une solution politique au conflit supposait "d'intégrer toutes les parties prenantes" mais que "l'avenir de la Syrie ne peut pas passer par Bachar al Assad".
La France est désormais engagée sur deux fronts contre l'EI : l'Irak, où elle a mené quelque 200 frappes depuis septembre 2014 dans le cadre de l'opération Chammal, et la Syrie, où elle précise agir en autonomie.
En Irak, les autorités ont annoncé samedi la mise en place à Bagdad d'une cellule de coordination anti-EI avec la Russie, l'Iran et la Syrie.
L'armée israélienne a de son côté annoncé avoir ouvert le feu dimanche sur des positions de l'armée syrienne sur le plateau du Golan à la suite de tirs de roquettes transfrontaliers.
(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)