Alors que la polémique sur le bouclier fiscal a fait irruption jusque dans les rangs de la majorité, il est difficile de mesurer l'efficacité de ce dispositif.
Le gouvernement a fourni jeudi un bilan provisoire pour 2009: 586 millions d'euros ont été restitués à environ 16.350 contribuables, sur quelque 20.000 qui avaient déposé une demande l'an dernier.
C'est davantage que les 563 millions restitués en 2008 à 15.500 bénéficiaires.
Mais le coût pour l'Etat devrait s'avérer encore plus élevé lorsque les chiffres définitifs de 2009 seront connus en juillet.
Le ministre du Budget François Baroin a ainsi déclaré que "650 à 700 millions d'euros" pourraient être restitués aux contribuables concernés. C'est-à-dire pas grand chose par rapport au déficit budgétaire record de 138 milliards enregistré en 2009.
"Mais c'est un principe", a martelé le nouveau locataire de Bercy. "Travailler un jour sur deux pour l'Etat (...) c'est déjà bien", lui a fait écho la ministre de l'Economie Christine Lagarde.
Avec le bouclier fiscal, depuis 2007, les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent dépasser 50% de ses revenus.
Le gouvernement a aussi tenté de dissiper l'image d'une mesure injuste.
"Le bouclier fiscal ça n'est pas que pour les plus riches (...) 60% des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des petits revenus", a plaidé Christine Lagarde, reconnaissant néanmoins qu'il y avait "à l'autre bout de la chaîne de très gros patrimoines".
De fait, les chiffres globaux cachent des situations très diverses.
"Les bas revenus sont effectivement majoritaires en nombre de bénéficiaires, mais ils ne captent qu'une infime partie du coût du bouclier", souligne le président de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis.
Selon le sénateur centriste, hostile au bouclier fiscal, "il s'agit pour une grande part de Réunionnais sans revenus qui ont pu accéder à la propriété: ils paient donc les impôts fonciers locaux, qui dépassent rapidement la moitié de leurs revenus, puisque ces derniers sont très faibles".
L'an dernier, 368 millions, soit plus de 60% du coût global du bouclier, ont été restitués à moins d'un millier de contribuables très aisés.
D'ailleurs, un rapport parlementaire publié l'été dernier montrait que lorsque le bouclier a été porté en 2007 de 60% à 50% des revenus, cela "a accentué la prépondérance des assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dans le coût du dispositif".
Selon ce rapport, le montant moyen des 100 plus gros remboursements avait été en 2008 de 1,154 million d'euros et celui des 10 plus grosses restitutions de 5,97 millions.
Au-delà des chiffres, l'efficacité même du dispositif est mise en doute.
La majorité a toujours affirmé qu'il avait vocation à inciter le retour des capitaux expatriés et à dissuader le départ de nouveaux contribuables. Or le gouvernement est bien en peine de fournir des résultats chiffrés.
"On a des indications de tendance", s'est bornée à dire Christine Lagarde. "Il y a beaucoup de gens qui, lorsqu'ils reviennent, ne viennent pas nous dire +Coucou, j'arrive!".
"Je n'ai pas trouvé d'indicateur clair attestant que le bouclier avait inversé la tendance", réplique Jean Arthuis.
Et la résurgence du débat sur son maintien n'est pas de nature à renforcer son effet, relève Michel Taly, ancien directeur de la législation fiscale. "On dit aux contribuables: +restez, il y a le bouclier+, mais en même temps on laisse planer le risque d'une suppression", constate-t-il. "Sur le plan psychologique, ce n'est pas très efficace."