PARIS (Reuters) - L'opération "Sentinelle", qui mobilise 7.000 militaires en France pour des missions de protection, va changer de mode d'action pour mieux s'adapter à l'évolution de la menace, ont annoncé jeudi les ministres des Armées et de l'Intérieur.
La réforme de ce dispositif instauré après les attentats de janvier 2015 à Paris intervient alors qu'un débat court, dans les rangs de l'armée et parmi les experts militaires, sur sa pertinence et ses conséquences sur le moral et les capacités des forces terrestres sollicitées sur des théâtres extérieurs.
"On ne baisse pas la garde, mais comme pour toute opération militaire, on va s'adapter à l'évolution de la menace et des circonstances", souligne-t-on au ministère des Armées.
"La menace terroriste est aujourd'hui une menace changeante qui depuis les attentats du Bataclan a considérablement évolué. C'est devenue une menace endogène", a justifié Gérard Collomb devant la presse. "Ce qui nous a été demandé, a poursuivi Florence Parly à ses côtés, c'est d'agir plus efficacement."
Les effectifs resteront les mêmes - 10.000 soldats dont 3.000 en réserve - mais seront "mieux utilisés" via notamment une coopération renforcée entre l'Intérieur et la Défense au sein d'un "Conseil d'anticipation et de planification" qui se réunira chaque mois. Une première réunion est prévue vendredi.
"Il nous faut anticiper, être plus flexibles, plus réactifs, moins prédictible pour l'éventuel ennemi", dit-on à la Défense.
L'armée de Terre, qui s'était déjà affranchie de "postures" imposées par le ministère de l'Intérieur, comme les gardes fixes, peu efficaces et risquées, au profit de patrouilles dynamiques, prend de fait la main sur le schéma tactique de l'opération, "en pleine coordination avec l'autorité civile", souligne-t-on au ministère des Armées.
"On fait bouger les méthodes, ce n'est pas une oukaze de notre part, l'Intérieur l'a bien compris", dit-on.
Ainsi, trois niveaux d'intervention seront pris en compte.
Dans le cadre d'un "dispositif opérationnel permanent", les militaires continueront à sécuriser les points les plus sensibles (sites touristiques, aéroports, gares...).
"UNE LOGIQUE PLUS MILITAIRE"
Un échelon de manoeuvre, nouveauté de la réforme, mobilisera les militaires pour la protection d'événements ponctuels (manifestations sportives, culturelles...) et saisonniers afin de "mieux répartir les effectifs en fonction des besoins" - de Paris vers le Sud-Est par exemple durant les vacances d'été. Actuellement, 3.500 hommes opèrent en Ile-de-France. La réserve stratégique constituera le troisième échelon.
Le ministère des Armées se refuse à livrer une répartition chiffrée des effectifs pour ne pas "rigidifier" ses marges de manoeuvre.
"On rentre dans une logique plus militaire. Si on a du préavis, de l'anticipation, on peut faire bouger les hommes. Cela donne plus d'imprévisibilité, les forces ne seront pas en permanence au même endroit, elles feront des patrouilles aléatoires, ça rendra difficile la tâche des attaquants".
"Mieux vaut aller là où la foudre va tomber plutôt que d'enfermer les hommes dans le Désert des Tartares et attendre que la foudre tombe", plaide-t-on de source militaire.
"Sentinelle" nouvelle manière sera évaluée dans quelques mois, vraisemblablement début 2018 après les fêtes de Noël.
Lors de son audition devant la commission de Défense de l'Assemblée, en juillet dernier, le chef d'état-major de l'armée de Terre avait souhaité que 3.000 membres de "Sentinelle" se consacrent à l'anticipation, aux côtés de 3.000 hommes répartis sur les sites-clés de Paris et des 3.000 hommes en réserve.
"Que l’on travaille sur les scénarios de crise (...) comme les prises d’otages de masse, les risques industriels, les risques bactériologiques. Ce n’est pas anxiogène pour les Français qui sont capables de comprendre qu’en nous y préparant, nous nous préparons à assurer leur sécurité", déclarait le général Jean-Pierre Bosser.
L'idée est aussi d'éviter que les hommes de "Sentinelle", visés par six attaques terroristes en France, ne deviennent des "cibles" et qu'ils regagnent en motivation. "Ils vont retrouver du mouvement, retrouver de l'adrénaline", dit-on à la Défense.
On ajoute, contraintes budgétaires obligent : "La réduction des coûts n'est pas l'objectif, mais en optimisant les ressources, on gagne de l'argent".
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)