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Economie: les femmes économistes restent rares, victimes d'"autocensure" notamment

Publié le 05/07/2015 11:41
Mis à jour le 05/07/2015 12:31
Esther Duflo, titulaire d'une chaire sur la pauvreté et le développement au Massachussets Institute of Technology, à Aix-en-Provence le 5 juillet 2013 (Photo Boris Horvat. AFP)

Esther Duflo, titulaire d'une chaire sur la pauvreté et le développement au Massachussets Institute of Technology, à Aix-en-Provence le 5 juillet 2013 (Photo Boris Horvat. AFP)

Est-ce de l'"autocensure"? Des tentives de "parité à la noix" qui ne lèvent pas les vraies rigidités? Aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, les femmes économistes s'interrogent sur la faible féminisation de leur discipline.

Lors de ces trois journées qui voient la fine fleur des sciences économiques, des patrons et des politiques se presser sous les platanes pour assister à une multitude de tables rondes, le phénomène est flagrant.

La proportion de femmes intervenantes, scientifiques, politiques ou patronnes, a augmenté, selon les organisateurs. Mais elle reste faible: 20% environ contre 13% l'an dernier, malgré un thème, le travail, pourtant jugé propice.

"Dans les sujets sociaux, il y a plus de femmes. Dans ma discipline, la macroéconomie (c'est-à-dire l'étude des grands équilibres économiques comme l'inflation, la politique budgétaire, la politique monétaire...), et les questions européennes, je suis bien souvent la seule dans les panels" d'experts, déplore Agnès Bénassy-Quéré, professeur à l'Ecole d'économie de Paris et présidente-déléguée du Conseil d'analyse économique (CAE), qui conseille le Premier ministre.

"J'ai proposé à beaucoup de femmes d'intervenir dans le débat que j'animais à Aix mais je ne me retrouve qu'avec des hommes", se désole Akiko Suwa-Eisenman, que sa fiche sur le site de l'Ecole d'économie de Paris présente comme ... "directeur" de recherche.

"Les femmes sont peut-être plus réticentes à s'exprimer sur les sujets dont elles ne sont pas de parfaites spécialistes ?", s'interroge cette normalienne, spécialiste des questions agricoles et de développement, qui vient de signer un ouvrage collectif sur le réchauffement ("Le climat va-t-il changer le capitalisme?", éditions Eyrolles).

Ainsi Esther Duflo, titulaire d'une chaire sur la pauvreté et le développement au Massachussets Institute of Technology, Mecque américaine des sciences économiques, et conseillère de la Maison Blanche, s'excusait presque vendredi de sa présence lors de la session d'ouverture de ces Rencontres.

La chercheuse, l'une des plus prestigieuses invitées du jour, a fait valoir que le thème des Rencontres, le "travail", n'était pas sa spécialité.

"Les femmes ont tendance à s'auto-censurer", regrette Mme Bénassy-Quéré. Désormais très courtisée par la presse, elle dit avoir eu besoin d'un "déblocage" et des encouragements d'un collègue, l'économiste Jean Pisani-Ferry, pour s'exprimer dans les médias.

"J'ai essayé de féminiser le CAE mais c'est un échec. Quand je propose à des hommes (d'entrer), je n'ai pas de refus. Les femmes, elles, déclinent parfois, en disant qu'elles ne sont pas sûres de pouvoir s'investir assez", regrette-t-elle.

Pour Catherine Mann, chef économiste de l'OCDE, ce perfectionnisme peut être un obstacle: les étudiantes en économie "ont tendance à peaufiner, peaufiner, peaufiner, avant de livrer un travail. Si bien qu'il ne reste plus rien à discuter".

Depuis l'un des postes les plus en vue de la profession, l'Américaine ne peut que constater ce "mystère" de la faible féminisation. Aux Etats-Unis, "nous semblons rester coincées" à une proportion d'un tiers de jeunes filles dans les premières années d'économie, note-t-elle, malgré la mise en place de mécanismes d'encouragement.

La solution passe-t-elle alors par des quotas, comme ceux imposés en France dans certaines instances de supervision ou les comités de recrutement?

"Cela m'ouvre des portes" pour certaines instances, dit Mme Bénassy-Quéré, mais par ailleurs, "je passe ma vie dans des comités de recrutement" universitaires soumis à une obligation de quasi-parité. "On m'appelle, on me dit +Viens, j'ai besoin d'une femme+", dit-elle, mi-rieuse, mi-consternée.

"Nous sommes peu de femmes à pouvoir siéger dans ces comités universitaires, ça nous prend un temps fou. Pendant lequel, les hommes, eux, travaillent", explique Mme Suwa-Eisenmann.

Face aux obligations découlant de cette "parité à la noix", Mme Bénassy-Quéré affirme que "l'université ne nous fait pas de cadeau", alors qu'elle pourrait donner par exemple aux femmes un peu d'assistance administrative.

Restent aussi des rigidités qui compliquent la vie de femmes souvent obligées de mener de front leur carrière et l'organisation familiale.

"J'ai parfois dû renoncer à venir (aux Rencontres) à Aix", qui coïncident avec le début des vacances d'été, "parce qu'il fallait que j'organise la prise en charge des enfants", dit Mme Bénassy-Quéré.

Mme Suwa-Eisenmann, membre du Cercle des économistes, association organisatrice des Rencontres d'Aix qui décerne aussi chaque année avec le Monde un prix du Meilleur jeune économiste de France, s'interroge elle sur l'âge limite de 40 ans fixé pour cette distinction. Ce qui peut être un peu juste pour des femmes ayant eu à concilier recherches et maternité.

En 2015 une économiste a gagné, Pascaline Dupas. Mais depuis sa création en 2000, il n'a été décerné qu'à trois femmes, dont deux, Mme Dupas et Duflo, font carrière aux Etats-Unis.

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