Le Parlement européen a imposé une nouvelle épreuve écrite au Français Pierre Moscovici, qui s'est heurté jeudi à l'hostilité d'une droite sceptique sur sa capacité à juger avec neutralité l'état des finances françaises.
Répondant inlassablement aux mêmes questions, l'ancien ministre des Finances, nommé commissaire européen aux affaires économiques, s'est livré à un plaidoyer pendant les trois heures qu'a duré son audition au Parlement, où il a promis qu'il ne serait ni "l'avocat, ni le procureur de la France".
Mais cela n'a pas suffi à convaincre ses opposants. Dans la soirée, la commission des affaires économiques du Parlement a demandé à M. Moscovici de répondre "par écrit" d'ici le début de la semaine prochaine à de nouvelles questions, a-t-on appris de sources concordantes.
Nous voulons des "éclaircissements" sur "sa crédibilité pour la mise en œuvre du pacte de stabilité, et sur la répartition des compétences" avec les vice-présidents en charge des questions économiques, a expliqué la députée libérale française Sylvie Goulard.
"Je le redis, je le redirai encore, je suis là pour faire respecter les règles, assurer la crédibilité des règles, pas là pour les modifier de façon créative, pour défendre je ne sais quelle dérogation, quelle exception, quelle suspension", avait martelé M. Moscovici.
"Comment être certains que vous serez le braconnier devenu garde-chasse ?", lui a lancé la députée néerlandaise Sophie In't Veld (libérale).
Son audition est tombée à un moment critique, au lendemain de la présentation du projet de budget français pour 2015 qui prévoit un déficit public à 4,3% du PIB après 4,4% cette année. Loin des 3% auxquels Paris s'était engagé pour l'an prochain après avoir obtenu un délai de grâce.
- "Malaise" -
Pour le député français UMP Alain Lamassoure, la nomination de M. Moscovici suscite un "malaise" après son "échec" en tant que ministre des Finances.
L'ancien locataire de Bercy a rappelé qu'il avait "réduit les déficits en France", passés de plus de 5% quand il a pris ses fonctions à 4,1% fin 2013, et a assuré que la France n'avait pas bénéficié de traitement de faveur en obtenant deux ans de plus pour ramener son déficit dans les clous européens.
Il a affirmé que les "règles ne sont pas stupides, elles prennent en compte la situation économique" et les circonstances exceptionnelles. "Un pays, fût-ce la France, doit respecter les règles, et mon rôle c'est de faire respecter ces règles et c'est ce que je ferai", a-t-il martelé.
"Il tient tellement à séduire la droite qu'il force son orthodoxie économique", a commenté le député Vert belge Philippe Lamberts, alors que M. Moscovici a fermé la porte aux euro-obligations, vues pendant la crise comme la solution miracle pour protéger les pays les plus fragiles.
Les socialistes voient eux dans la nomination de M. Moscovici une occasion de "tourner la page de l'austérité" et de donner une nouvelle orientation au Pacte de stabilité comme le souhaitent la France et l'Italie.
S'il est confirmé à son poste, M. Moscovici devra présenter les nouvelles prévisions économiques de la Commission début novembre et délivrer son tout premier diagnostic sur l'économie française.
Mais la droite lie son sort à celui du commissaire désigné à l'Energie et au Climat, l'Espagnol Miguel Arias Canete, membre du PPE (droite) et très contesté en raison de soupçons de conflits d'intérêts. Les votes sur leur sort respectif ont été renvoyés à mardi prochain, a indiqué jeudi une source parlementaire à l'AFP.