Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a prévenu jeudi que la double circulation en France de l'euro et du franc comme le propose Marine Le Pen serait "un danger" et pénaliserait "les plus modestes".
"On entend notamment avancer certaines hypothèses de double monnaie avec le retour à une monnaie nationale en parallèle d'une monnaie européenne", a affirmé M. Villeroy de Galhau, lors d'une conférence à la Banque de France (BdF), dans une allusion à peine voilée à la proposition du Front national.
"Je me dois de dire que de telles hypothèses mettraient en danger la confiance dans la monnaie", a affirmé le gouverneur, dans une rare intervention dans le débat politique français, à trois jours seulement du second tour de la présidentielle.
M. Villeroy de Galhau, qui a d'abord rappelé l'indépendance de la Banque de France, s'est employé à démontrer que cette double circulation de monnaies se ferait au détriment de la devise nationale.
"Cette double circulation n'existe dans aucun pays avancé", a-t-il assuré. "Ailleurs, là où il y a, ou bien là où il y a eu, deux monnaies qui circulent et avec lesquelles on peut payer, l'une inspire moins confiance que l'autre", a-t-il expliqué, avant de lancer un avertissement.
"En général, c'est la monnaie nationale qui en souffre, la seule qui soit accessible aux ménages et notamment aux plus modestes ainsi qu'aux PME", a affirmé le gouverneur, soulignant le risque que la monnaie nationale perde vite de la valeur "avec des prix qui augmentent beaucoup trop et un impact négatif sur le pouvoir d'achat".
Mme Le Pen veut réinstaurer une monnaie nationale comme monnaie du quotidien des Français et négocier parallèlement la transformation de l'euro en "monnaie commune" pour les échanges internationaux.
Cette monnaie commune s'apparenterait à l'ECU, l'ancêtre de l'euro, créé en 1979 dans le cadre du système monétaire européen (SME), qui était un panier de monnaies, destiné à stabiliser les taux de change entre les différentes monnaies européennes.
Une idée qui ne convient pas non plus à M. Villeroy de Galhau, qui a rappelé que ce système n'existait plus depuis 18 ans. "A supposer que ce soit possible, revenir à l'ECU présenterait de graves inconvénients par rapport à l'euro d'aujourd'hui", a-t-il prévenu.
"Jusqu'à l'introduction de l'euro, la France, de fait, ne participait pas à la décision sur les niveaux des taux d'intérêts et devait suivre la politique monétaire allemande", a-t-il assuré.
"Le franc, pour sa part, était à la merci d'attaques spéculatives des marchés financiers, épuisant nos réserves de change comme nous l'avons connu en 1992-1993", a rappelé le gouverneur. "C'est précisément pour régler ces problèmes que nous avons fait l'euro", a-t-il insisté.