Le groupe japonais SoftBank inonde d'argent la Silicon Valley par le biais de son fonds d'investissement "Vision Fund", ce qui permet aux jeunes pousses de la technologie de financer leurs projets, au risque, pour certains, de contribuer à créer une bulle.
Son dernier "coup" en date est un investissement dans la société de location de voitures avec chauffeur Uber, annoncé dimanche soir.
Le fonds, créé il y a un an, atteint déjà presque 100 milliards de dollars, soit le même montant que l'ensemble du capital-risque investi dans les start-up dans le monde l'an dernier, selon le cabinet CB Insights.
"Nous ne jouons pas à des jeux d'argent, nous ne sommes pas de simples investisseurs, nous avons une vision, celle de la révolution des technologies de l'information, c'est notre raison d'être", assurait récemment l'emblématique patron de SoftBank Masayoshi Son.
L'idée du "Vision Fund" --mené par SoftBank, mais aussi largement abondé par le fond souverain saoudien ou encore par le géant Apple-- : investir dans des jeunes entreprises qui ont déjà fait leurs preuves et pour un montant minimum de 100 millions de dollars.
"SoftBank fait preuve de beaucoup de courage, d'optimisme et de confiance en investissant autant d'argent dans la technologie", estime Bill Maris, l'un des fondateurs de GV, le fonds d'investissement d'Alphabet/Google, il y a près d'une décennie et qui gère maintenant son propre fonds.
"Je ne peux pas dire que c'est un mauvais pari, si on pense que l'essor de la technologie va se poursuivre à l'avenir. Cela m'inquièterait beaucoup plus si SoftBank disait que la +tech+ n'a plus d'avenir", ajoute-t-il.
Mais si cet afflux d'argent est bon signe pour le secteur, certains investisseurs craignent que tout cet argent fasse monter les prix en gonflant artificiellement la valeur théorique des entreprises, ce qui pourrait décourager d'autres investisseurs.
Howard Marks, investisseur chez Oaktree Capital, se demandait dans une note récente: "peut-on raisonnablement investir 100 milliards dans la +tech+" ?
Cela peut aussi pousser les start-up à retarder leur entrée en Bourse: elles n'ont pas nécessairement besoin d'aller sur les marchés pour lever des fonds supplémentaires.
- Consolidation -
Masayoshi Son fait preuve de talent pour rassembler des entreprises développant des produits complémentaires, estime Patrick Moorhead de Moor Insights & Strategy, même si la stratégie peut se révéler risquée.
Les entreprises financées ont pour point commun de se développer à l'échelle mondiale et d'avoir un impact important sur le mode de vie et l'organisation de la société. L'utilisation des données collectées par les différentes entreprises permet aussi d'accélérer leur développement réciproque.
Selon M. Moorhead, les investissements du "Vision Fund" se traduiront par d'excellents retours ou se révèleront, au contraire, être à fonds perdus. "Ce qu'ils cherchent ce sont des investissements géants", assure-t-il.
Autre exemple du flair de M. Son: son investissement --déjà ancien-- dans le secteur en plein essor du commerce en ligne en Chine via Alibaba (NYSE:BABA), rappelle l'investisseur Hans Tung de GGV Capital.
Plus récemment, il a investi dans la société américaine iRobot, fabricant des robots-aspirateurs Roomba, et détient des actions du fabricant de processeurs graphiques américain Nvidia, équivalant à 4 milliards de dollars, selon la presse.
Il mise aussi à plein sur les VTC: outre sa montée en puissance au sein d'Uber, il a déjà investi dans d'autres compagnies du secteur, comme Ola en Inde.
"Masayoshi Son comprend les vertus de la consolidation", souligne Hans Tung. Selon lui, "si elle s'accélère avec l'argent de SoftBank, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose", car "nous n'avons pas besoin de cinq sociétés de VTC qui se battent entre elles."
Paradoxalement, même si certaines entreprises financées par le fonds peuvent se permettre de prendre leur temps, l'arrivée de SoftBank au sein du capital d'une start-up est aussi souvent le signe qu'elle va s'introduire en Bourse.
"Je ne les vois pas aider des petits entrepreneurs dans leur garage", estime Patrick Moorhead.