par Guillaume et Frouin
NANTES (Reuters) - Après trois ans de gestation, Nantes a lancé mardi sa monnaie complémentaire, un nouvel outil de développement du tissu économique local en plein essor depuis la crise.
La "SoNantes", qui a la même valeur que l'euro, a déjà attiré une cinquantaine d'entreprises et commerces et ambitionne d'ici quatre ans d'en séduire 3.000 autres, soit 10% du tissu économique local, ainsi que 9.000 à 10.000 particuliers.
L'intérêt pour les usagers est d'avoir la garantie que leurs dépenses seront réinjectées dans les entreprises de la région.
Entièrement numérique et utilisable uniquement par le biais d'une carte bancaire spécifique, la devise nantaise est inspirée du "Wir", une monnaie locale complémentaire (MLC) créée il y a plus de 80 ans à Bâle (Suisse) et dont se servent encore aujourd'hui plus de 65.000 entreprises.
Plus de 5.000 autres monnaies "sociales", "régionales" ou "solidaires" existent aujourd'hui à travers le monde, d'après un rapport remis ce mois-ci au gouvernement.
En France, une trentaine sont apparues ces cinq dernières années et autant seraient en projet.
"L'objectif, c'est que cette monnaie ne dorme pas et qu'elle circule un maximum", a expliqué mardi aux journalistes Johanna Rolland, la maire de Nantes, en réglant en SoNantes un café acheté auprès d'un commerçant ambulant.
La valeur de la nouvelle monnaie est censée rester constante dans le temps mais un "accompagnement" sera toutefois proposé aux utilisateurs pour les inciter à dépenser les sommes restées trop longtemps sur leurs comptes.
Il sera assuré par une filiale du Crédit municipal de Nantes, un établissement appartenant à la municipalité, qui a mis en place un mécanisme de stabilité interne pour pallier les effets d'éventuelles faillites d'entreprises détentrices de SoNantes.
BOOSTÉES PAR LA CRISE
La banque municipale, qui a capitalisé sa nouvelle filiale à hauteur de deux millions d'euros, évalue à 600.000 euros par an les coûts de fonctionnement du système.
Elle ambitionne de rentabiliser son investissement en trois ans, grâce aux droits d'entrée et aux forfaits payants mensuels réclamés aux entreprises – l'accès étant gratuit pour les particuliers.
A terme, la communauté urbaine de Nantes espère permettre à ses administrés d'acheter leurs titres de transports en commun, leurs tickets de stationnement ou de régler les centres de loisirs en SoNantes.
La loi française l'empêche en revanche de payer – au moins partiellement – ses agents avec cette monnaie parallèle, comme c'est le cas à Bristol (Angleterre), où le maire se verse par exemple la quasi-totalité de son indemnité d'élu en « Bristol Pound ».
"Depuis la crise financière de 2008, le nombre de monnaies locales complémentaires a doublé en Allemagne, où on en dénombre une soixantaine, ainsi qu'en Espagne, qui en compte 70", observe ainsi Jean-Philippe Magnen, ancien vice-président (EE-LV) de Nantes métropole et co-auteur du rapport remis au gouvernement.
"L'évolution a été encore plus spectaculaire en Grèce, où leur nombre est passée de 1 à 70 entre 2008 et 2014.»
Des monnaies "anti-crise" sont notamment utilisées pour les crédits inter-entreprises en cas de difficulté de trésorerie de l'une d'entre elles, sans passer par le système bancaire classique.
Les risques d'inflation, de blanchiment ou d'évasion fiscale sont par ailleurs jugés très faibles avec une monnaie locale.
"Leur impact demeure toutefois modeste pour l'instant : la masse monétaire moyenne de chaque projet tourne autour de 26.000 euros et le nombre d'utilisateurs autour de 450", note encore Jean-Philippe Magnen.
(édité par Yann Le Guernigou)