La Cour constitutionnelle allemande a annoncé mardi avoir saisi la justice européenne après plusieurs requêtes déposées à l'encontre d'un dispositif de la Banque centrale européenne lancé en 2015 pour soutenir l'inflation en zone euro.
Les juges de la haute Cour de Karlsruhe (sud) estiment qu'il y a des "raisons importantes" laissant penser que la mesure contestée, le rachat d'obligations souveraines, en anglais le "QE" pour "quantitative easing", viole l'interdiction de financer directement les Etats. La BCE aurait ainsi outrepassé les limites de son mandat qui vise stricto sensu à garantir la stabilité de la monnaie unique, explique la Cour dans un communiqué.
Les principaux requérants en Allemagne sont le cofondateur du parti populiste AfD, Bernd Lucke, l'ancien responsable des conservateurs bavarois de la CSU, Peter Gauweiler, et le professeur de droit Markus Kerber, rejoints par plus de 1.700 personnes. Leur action vise in fine à interdire à la Bundesbank, la banque fédérale allemande, de prendre part au programme contesté.
Pour stimuler l'économie en zone euro, la BCE avait décidé début 2015 d'injecter un volant immense de liquidités sur le marché, rachetant à compter de mars de la même année principalement des titres émis par les pays de la zone euro, à l'exception de la Grèce et de Chypre, et dans une moindre mesure ceux émis par des entreprises.
Au dernier décompte début août, la BCE et les banques centrales de la zone euro avaient acheté pour 1.671 milliards d'euros d'obligations souveraines contre 103 milliards d'obligations d'entreprises.
La Cour de justice européenne, déjà saisie par la Cour de Karlsruhe dans une précédente plainte visant un dispositif anti-crise de la BCE, les "OMT", avait donné en 2013 son feu vert à cette mesure controversée, quoi que jamais utilisée, tout en fixant des limites pouvant s'appliquer à d'autres mesures de politique monétaire.
Aujourd'hui, le juge suprême allemand soupçonne que le "QE" ne respecte pas les barrières posées par l'arrêt "OMT", en particulier s'agissant de l'interdiction de financer la dette des Etats, et soumet donc cette question au juge européen.
"Nous prenons note de la décision de la Cour constitutionnelle allemande. A notre avis, le programme étendu de rachats d'actifs respecte pleinement notre mandat", a réagi la BCE dans un communiqué.
En attendant que le juge européen tranche cette question, ce qui pourrait prendre plusieurs mois, le programme de rachat continue normalement son cours selon les règles fixées par la BCE, a fait savoir cette dernière. Il reviendra ensuite au juge allemand de régler définitivement le litige.
La BCE estime que le QE a procuré de nombreux effets positifs depuis son lancement, en ayant éloigné le spectre de la déflation et favorisé la reprise économique. Les observateurs attendent une décision des gardiens de l'euro en septembre, ou en octobre, concernant l'annonce d'un retrait progressif du "QE" à partir de début 2018.