Bercy a accru jeudi la pression sur les fraudeurs du fisc mais aussi sur les Etats complaisants avec une mesure phare: l'extension de 3 à 10 ans du délai de prescription sur les avoirs non déclarés détenus à l'étranger, quel que soit le pays, paradis fiscal ou non.
Cette mesure avait déjà été prise en 2008 pour les seuls paradis fiscaux mais Paris est manifestement déçu par l'attitude d'un certain nombre de pays qui, après avoir signé des conventions fiscales avec la France, se montrent peu empressés de les mettre en oeuvre.
Se voulant "diplomate", la ministre du Budget Valérie Pécresse s'est refusée à préciser les Etats visés, mais tout porte à croire que la Suisse est dans la ligne de mire de Paris.
Rallonger de sept ans le délai de prescription doit "permettre à l'administration fiscale d'avoir toujours le temps pour allié, et non plus pour ennemi", a souligné Mme Pécresse.
La ministre soupçonne fortement certains pays d'avoir conclu des conventions dans le seul but de sortir à bon compte et "sur le papier" de la liste des paradis fiscaux mais sans "garantir (une) coopération effective".
Au cours des huit premiers mois de 2011, la France a adressé à 18 Etats (Andorre, Suisse, Liechtenstein, Malte, Jersey etc.) plus de 230 requêtes. Moins d'un tiers ont fait l'objet de réponses. Et encore, il s'est agi souvent de simples confirmations d'informations déjà détenues par le fisc français.
Selon Bercy, 80 de ces demandes, soit plus d'une sur trois, concernaient la Suisse qui n'a répondu qu'à 20% d'entre elles.
Au sommet du G20 de Cannes, début novembre, Nicolas Sarkozy avait déjà dénoncé, au grand dam de Berne, les "déficiences" de la Confédération qui ne figure plus sur la liste des paradis fiscaux de l'OCDE depuis 2009.
Valérie Pécresse a "clairement" exclu aussi jeudi tout accord fiscal avec la Suisse qui permettrait à des personnes résidant en France de régulariser leur situation bancaire dans ce pays, tout en préservant leur anonymat.
Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont dit oui à de tels accords. Ils prévoient que les résidents de ces deux pays peuvent continuer de bénéficier du secret bancaire helvétique en échange d'un impôt prélevé par le fisc suisse, reversé anonymement ensuite à leurs pays d'origine.
La France, après avoir été tentée, y a finalement renoncé au nom de ses "principes", a tranché Mme Pécresse.
Selon elle, la lutte contre la fraude fiscale, renforcée par 60 mesures nouvelles depuis 2007, a permis à l'Etat de récupérer 50 milliards d'euros de droits et de pénalités dont 16 milliards l'an dernier et 15 en 2009.
La ministre entend également proposer au Parlement dès cette année une extension des compétences de la nouvelle "police fiscale". Celle-ci pourra poursuivre ses investigations pendant trois années supplémentaires, à compter de la signature d'une convention fiscale avec un pays.
Pour Valérie Pécresse, il s'agit là encore de s'assurer que ces conventions ne sont pas qu'un moyen "d'échapper à la liste des paradis fiscaux".
L'administration fiscale renouvellera par ailleurs une opération visant à identifier les résidents français disposant de comptes à l'étranger en examinant leurs paiements effectués avec des cartes de crédit étrangères.
Elle aura ainsi de "quoi planifier dès aujourd'hui des années de contrôle d'évadés fiscaux", selon la ministre.
Quant aux entreprises, une "mission" sera confiée à l'Inspection générale des finances sur le renforcement des contrôles visant les groupes qui localisent artificiellement leurs bénéfices dans des pays à basse pression fiscale. "La fraude fiscale et la fraude sociale sont tout aussi inacceptables: frauder c'est voler", a souligné Valérie Pécresse, paraphrasant le président Sarkozy.