Investing.com - La période de taux d'intérêt bas dans les années 2010 et les innombrables plans de relance monétaire ont conduit à la formation de toutes sortes de bulles - c'est bien connu. Mais personne ne veut savoir que ces bulles vont aussi éclater.
Pourquoi d'ailleurs, puisque les banques centrales prônent un atterrissage en douceur et suggèrent que l'on peut faire face à toutes les situations, même les plus difficiles. On n'entend pas parler de crise bancaire ou financière, mais plutôt de la robustesse de l'économie et du fait qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
Il y a bien sûr aussi des voix qui affirment le contraire et qui mettent en garde contre un effondrement imminent. Mais on n'écoute pas volontiers ces oiseaux de mauvais augure, surtout lorsqu'il s'agit de parier sur le prochain record absolu. Car pour son propre salut, il est préférable de suivre les présentations officielles, politiquement correctes.
Mais lorsque deux économistes de la Fed comme Ander Perez-Orive et Yannick Timmer rédigent un papier en parlant de la plus grande vague de faillites depuis les cycles de resserrement des années 1970, il convient d'écouter très attentivement ce qui est dit.
L'étude réalisée par les deux économistes affirme que la politique monétaire actuelle laisse présager un "net ralentissement des investissements et de l'emploi". Les données analysées montrent que "lorsque la proportion d'entreprises en difficulté est plus élevée dans une économie, les chocs de resserrement ont un impact plus important sur l'investissement et l'emploi".
Avec 37 pour cent, le nombre d'entreprises américaines au bord de l'insolvabilité est le plus élevé depuis 50 ans.
Cette analyse de la Fed conclut donc que les mesures de politique monétaire prises actuellement suffisent à elles seules à provoquer la plus grande récession depuis les années 1970.
Cette situation déjà critique est encore aggravée par le fait que l'économie doit se préparer à de nouvelles pénuries d'approvisionnement dans le commerce international de marchandises. Cela s'accompagnera bien entendu d'une hausse des prix, ce qui renforcera l'inflation et forcera les banques centrales à augmenter encore plus les taux d'intérêt.
La raison en est que le gouvernement américain et ses alliés sont convaincus qu'il est possible de freiner très efficacement la croissance de la Chine en imposant des interdictions d'exportation pour la technologie de pointe des puces électroniques. Mais le fait que la Chine soit à la manœuvre, parce que ces puces n'existeraient pas sans les matières premières chinoises, ne semble pas avoir été réfléchi de manière suffisamment approfondie.
La réaction de la Chine ne s'est pas fait attendre et touche non seulement le talon d'Achille des Etats-Unis, mais aussi celui de l'ensemble du monde occidental.
A partir du 1er août, la Chine limitera les exportations de terres rares comme le gallium et le germanium. L'exportation de ces matières premières nécessite des licences délivrées par le ministère du Commerce. Ceux qui n'ont pas de licence n'ont pas le droit de sortir du pays ces matières premières dont le monde a un besoin urgent.
Pour justifier sa décision, la Chine s'est inspirée de l'argumentation des Etats-Unis et a invoqué le fait qu'il en allait de la sécurité nationale. C'est vrai dans la mesure où les terres rares ne sont pas seulement nécessaires pour les véhicules électriques et les panneaux solaires, mais aussi pour les systèmes d'armement de haute technologie.
Ce dernier point est surtout intéressant du point de vue de la menace de conflit à Taiwan. Car avec cette nouvelle réglementation, la Chine détermine qui dans le monde peut encore produire des systèmes d'armes modernes.
Le CEO de Raytheon a récemment expliqué à quel point l'industrie de l'armement américaine est dépendante de la Chine. Son groupe compte à lui seul des milliers de sous-traitants chinois qu'il est impossible de remplacer. Si tant est que ce processus de reconversion prenne des années, car il faut trouver de nouvelles sources de terres rares, ce qui semble plus simple que ce n'est le cas.
La Chine est à l'origine de 61 % des terres rares commercialisées dans le monde et possède les plus grands gisements connus. Suivent le Vietnam, le Brésil et la Russie. Soit trois des cinq pays BRICS qui se considèrent géopolitiquement comme une alternative au G7.
Le contrôle des exportations de matières premières par la Chine aura inévitablement pour conséquence que le pays du dragon aura également la main sur la chaîne de création de valeur pour la transformation vers la neutralité climatique.
La production de panneaux solaires, d'éoliennes et de véhicules électriques est tributaire des terres rares. La raréfaction artificielle de ces biens sur le marché mondial devrait non seulement faire grimper les prix et donc l'inflation, mais aussi la demande de ce type de produits made in China.
Le rêve d'indépendance vis-à-vis de la Chine, qui s'est fait jour avec la pandémie et le potentiel de conflit géopolitique, devrait ainsi être définitivement abandonné.